'Une trop bruyante solitude' ... Curieuse formulation d'un titre qui cache pour mieux la revêtir l'existence de Hanta. Depuis trente cinq ans, à Prague, dans une obscure usine de recyclage, il pousse alternativement le bouton rouge, puis le vert et inversement. Comme l'allumeur de réverbère du Petit Prince, il est fidèle à une consigne, il détruit, presse, compacte des tonnes et des tonnes de vieux papiers. Il est 'presseur de papier', mieux qu'un métier, un savoir-faire, un art de vivre! Mais s'il est fidèle à la consigne de destruction, il est aussi électron libre dans sa gestion de la tâche. Peu lui importe le retard des tonnes de papiers à détruire accumulées, lui il reste libre. Libre de s'arrêter, de récupérer un beau livre, de caresser sa couverture, de s'y plonger en lecture, de le soustraire même et de le reprendre chez lui, là où il constituera, avec les autres, l'épée de Damoclès qui pend au-dessus de lui. Allez le comprendre! Mais tel est Hanta, il ne peut se résigner à ne produire que des balles de papiers déstructurés. Alors, au coeur de chacune d'elles, il couche un livre, un auteur, un penseur pour le Monde. Ensuite, soigneusement, il emballe le tout avec des reproductions d'oeuvres d'art soustraites à la machine.
Trente cinq ans que le presseur de papier vit dans sa cave, dans son monde, auprès de sa machine capricieuse, artisanale et peu rentable. Alors vient le jour où l'Etat remplace l'artisanat par des monstres technologiques puissants mais ne laissant aucune place à l'humain et à la sauvegarde des pensées...
L'écriture de ce roman est curieuse, Kafka n'est jamais loin! Parfois assommante, semblant aussi harassante que le sujet qu'elle traite, parfois drôle et répétitive par l'emploi de situations cocasses, parfois énigmatique comme pour inviter le lecteur à poser lui-même les liens qui peuvent exister entre les auteurs, leurs philosophie, la vie, le travail, l'utile et l'inutile, l'amour, la mort. Dans ce très court roman, cette longue fable, le lecteur doit trouver sa route. Libre comme Hanta de prendre ou de détruire. Pour ma part, j'ai aimé!