Triggerwarning (honnêtement sur à peu près tout ce qui a trait au mal-être et à la violence)


On m'a vendu ce livre comme bouleversant, touchant, pouvant arracher des larmes au plus insensible d'entre nous. Encensé par la presse, bestseller incontesté outre-atlantique, nominé aux très prestigieux Booker Prize et autre National Book Awards, j'avais vraiment hâte de le lire. Le thème me plaît: 4 amis, à New York, ayant tous les 4 des parcours différents après leur rencontre sur les bancs de l'université, 4 amis ambitieux et pour qui semblent s'ouvrir les portes de la réussite dans des domaines divers mais qui aborde aussi les thèmes des relations gays et traverse les époques.


Un pavé de 700 pages. OK. Si c'est bon, entraînant, bien écrit, ça passera tout seul. Un livre de 700 pages, c'est soit ambitieux, soit prétentieux. SPOILER ALERT : c'est mal écrit, les personnages sont très moyens et l'histoire me laisse pantoise. J'ai lu ce livre en anglais, donc si vous l'avez lu traduit, qu'il ne s'étonne pas du style du livre. Ca n'est pas le traducteur, mais bien l'auteure.


L'histoire démarre bien, les personnages ont tous l'air relativement sympathiques, pas trop unidimensionnels, et puis l'on se recentre clairement sur Jude, le héros de l'histoire, et Willem son meilleur ami. Et commence une lente descente aux enfers pour Jude et pour le lecteur.


#La première partie


Dès les premières pages, on sent que Jude a un lourd passé, il est plus discret, peureux, en retrait par rapport à ses amis, il souffre d'un fort mal de dos et boîte. Le pauvre n'a pas une vie facile. Malgré ça, comme il est plutôt gentil, ses amis l'aiment bien et l'un de ses profs, puisqu'il est brillant (évidemment #alertecliché) décide de l'adopter bien qu'il connaisse ses tendances à l'automutilation. Notre héros étant mal dans sa peau et ne se sentant digne d'être aimé par personne passe son temps à rejeter tout le mode, à se faire du mal et à s'enfermer dans son mutisme. L'auteur évoque à peu près 10 fois un passé mystérieux. On a compris. Il. a. un. passé. sombre. #50shadesofgrey


Une première fois, ça passe. L'un de ses potes s'amuse à imiter sa démarche boîtante (sérieux?), le voilà donc avec un ami en moi. Bon.. Jude se sent seul, il est mal, ça dure à peu près 50 pages, il se mutile, il est mal, c'est dur. Ah, Jude rencontre quelqu'un de super beau et intelligent et fascinant. Ça va un peu mieux.


Ah, en fait non, c'était un mec vraiment méchant qui voulait juste l'humilier et le battre et le violer. Cool. Jude va donc encore plus mal (l'écriture est peu ou prou à ce niveau dans mes souvenirs) mais le quitte. Mais le mec revient pour le violer encore et le faire finir à l'hôpital. Jude est désolé de ce qu'il s'est passé. Il est à peu près désolé tout le temps. Il s'excuse pour tout.


On est à la moitié du bouquin. Je souffre. Je suis mal à l'aise. Où est-ce que l'auteur veut en venir? Il n'y a toujours pas de rédemption, le héros n'a pas DU TOUT évolué depuis le début du livre et j'ai presque l'impression qu'Hanya Yanagihara est très heureuse de (littéralement) torturer son personnage. Mais s'il est acclamé c'est bien qu'il y a une raison? J'ai vraiment voulu arrêter après ça. La violence est gratuite, ni belle, ni significative, ni bien écrite. On est juste dans de la violence crue, facile, durant des pages et des pages, des plaintes, des plaintes et des plaintes encore si bien qu'on y devient insensible. Jude répète à peu près toutes les 2 pages qu'il est désolé ou qu'il a honte. Honnêtement, à ce point il aurait déjà fallu couper les 2/3 du livre pour avoir quelque chose de correct.


Au-delà de ça, les personnages sont plats (tous brillants, avocats, architectes, artistes, riches et ont réussis), et unidimensionnels, soit très gentils soit très méchants, à part peut-être JB.


#Deuxième partie (oui je me suis accrochée)


FLASHBACK : Jude a été abandonné à sa naissance (ok donc en fait tous les malheurs du monde s'abattent sur lui), placé en monastère, violé et battu par les frères, et a été fait prostitué, il s'enfuit, est placé en centre d'accueil et s'y fait violer. Entre temps un mec l'a plus ou moins kidnappé et a essayé de le renverser. Et l'a violé aussi. Il rencontre une infirmière un peu cool à qui il raconte son histoire. Et puis elle meurt d'un cancer.


STOP. Un peu de vraisemblance, ça ne ferait pas de mal à cette histoire. Oui il y a des gens au parcours difficile, mais on peut être plus subtil, éviter les poncifs et les clichés (se faire violer par des membres de l'église catholique..). Oui un personnage principal doit rencontrer l'adversité, avoir une vie rugueuse et belle et les plus beaux personnages sont des souvent héros tourmentés, au passé trouble et à l'avenir sombre. La société n'est pas belle, beaucoup en souffrent, mais il faut garder une part de possibilité et d'identification. Les traumatismes forment les individus mais ils s'accumulent et acculent Jude sans trêve aucune. On est ici au confins de l'absurde tant le monde, l'univers et le destin s'acharne contre Jude. Son passé n'est pas sombre à ce point là, c'est carrément le trou noir.


#Troisième partie (ça n'en finit pas..)


Jude essaye de se suicider, raté. Il démarre une relation avec Willem, qui donne tout ce qu'il peut pour apaiser ses névroses, lui montrer qu'il l'aime, le soutenir.


ENFIN DE LA LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL. Bon au milieu de 1500 passages sur à quel point Jude ne mérite pas son amour et qu'il est un déchet etc. Oui la dépression c'est dur, mais on peut la représenter de façon moins pathétique, moins larmoyante, en analysant les émotions et pas en alignant 700 pages de complaintes. Ca mérite clairement un meilleur traitement. Non le problème n'est pas que Jude soit en totale victimisation. C'est que l'auteur ait osé écrire cela. Ait osé faire de son personnage ce qu'il est, de ne jamais le laisser s'échapper de son passé. De ne jamais accorder un seul instant de répit et donc de ne pas nous laisser nous attacher à lui. Juste à le regarder comme pauvre chose maltraité par la vie.


Bref, ça va un peu mieux mais Willem meurt dans un accident de voiture.


A ce moment du livre - heureusement presque la fin - j'hésite entre verser une petite larme ou carrément rire hystériquement tellement on confine au ridicule. L'auteur est-elle simplement d'un sadisme maladif envers son personnage et envers ses lecteurs? Je me le demande encore. J'avais l'impression d'être une spectatrice malsaine et voyeuriste, s' "entertainant" dans la souffrance des personnages que je regardais, passive, sans rien faire, tout comme Jude ne fait rien. 700 pages de malaise qui auraient été relativement lisibles si le livre en faisait 500 de mois (sans exagération tant c'est redondant, où est donc passé l'éditeur?). Je me suis accrochée en espérant voir une fin positive ou au moins douce-amère. Non, noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir.


Ah oui, et à la fin il se suicide, après s'être encore mutilé sur 50 pages.

SassyFruits
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le 17 juil. 2018

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Sylvia R.

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