L’après seconde guerre mondiale, dans Uranus, bien loin de l’imagerie du mythe officiel, ressemblerait presque à ce que les vainqueurs semblaient combattre : puissance publique soumise aux partis, délation , loi du silence, violence barbare et gratuite des FFI, majorité silencieuse, opprimée, et désireuse de se faire oublier ses engagements passés. Car dans Uranus, la France, c’était avant tout le pouvoir légal.
Dans ce contexte brumeux progressent des personnages forts de caractère, d’opinion et de morale, représentant les forces socio-politiques en présence, toujours placés dans des situations, d’interactions réciproques : comment tel « archétype réagit-il en face de tel archétype. Et ces situations, souvent extrêmes, vont pousser les personnages aux décisions les plus radicales, les plus à même de démontrer la racine de leurs engagements. Ainsi, le portrait de la société de l’époque est total, en dépit de l’humble taille de l’ouvrage. La trame principale, autour de laquelle vont se ramifier toute une série d’intrigues secondaires l’illustre bien : un bourgeois « maréchaliste » dissimule chez lui un ancien partisan déclaré du nazisme, malgré la cohabitation avec une famille d’ouvriers communiste. Le tout se joue sous le regard d’un enseignant d’un certain nihilisme politique, qui, précisons-le, sera le seul à s’opposer au lynchage, là où les uns, par leur appartenance à un parti, et les autres, par peur, sont restés dans l’inaction : les idéologies, les politiques, auront toutes, victorieuses ou non, fait preuve d’une inhumaine bassesse.
Autant de situations porteuses de questionnements. Par exemple : un fascisme français, donc sans soumission à une puissance étrangère, était-il possible ?
Finalement, c’est l’histoire d’une tentative avortée de révolte de la vie, du réel, contre la politique, l’idéologie dans toute sa violence, et son horreur. J’aurais presque pu dire qu’il s’agit du combat de la dignité humaine contre l’idéologie, forcément perverse, mais le premier concept a trop été dévoyé.