Légèrement inférieur au premier tome (mais comment pouvait-il en être autrement ? ), "Vernon Subutex T2" voit Despentes abandonner un temps sa narration polyphonique pour focaliser son intrigue sur ce groupe étrange qui se crée aux Buttes Chaumont autour d'un Subutex transformé en DJ messianique et halluciné. A la noirceur envoûtante du premier tome succède donc une sorte de bienveillance tiède à laquelle il n'est pas facile d'adhérer : alors Despentes baba ? New age ? Naïve ? Les pistes "de sortie" qu'explore "Vernon Subutex T2" sont plus que discutables, à la fois utopiques et régressives, mais elles ont finalement le mérite d'extraire les personnages du livre de l'abattement, la haine ou l'autodestruction. Et le lecteur d'une certaine jouissance de la "lose". Ceci dit, quand Despentes reprend ses monologues / portraits intimes, elle nous parle cette fois d'une jeune musulmane convertie en réaction contre ses parents, du père de celle-ci, immigré modèle revenu de ses illusions sur la France, d'un jeune trop lucide aspiré par l'extrémisme de droite, d'une épouse lasse de sa vie... Oui, Despentes continue à nous parler mieux que personne de ce qu'est la France d'aujourd'hui, et si elle décide finalement de clore son chef d'oeuvre en faisant danser ses personnages dans une obscurité totale, au bord du renoncement complet, c'est son droit absolu. Et je suppose que cela fait de "Vernon Subutex", au delà de ses impressionnantes qualités littéraires, un bouquin salement contestataire. [Critique écrite en 2016]