Alors ça y est, c'est fini.
Vernon livre son dernier souffle, pourtant pas son dernier mot...
Décidément, Virginie Despentes est extraordinaire, d'un humanisme débordant à une époque qui en manque tant, et Dieu que son Vernon va nous manquer.
Un instantané de l'époque
Vernon Subutex, pour les novices, c'est l'air du temps, la saga de ce début de siècle, à laquelle Despentes, dans ce tome 3, donne une fin en forme d'apothéose apocalyptique.
Vernon Subutex est un instantané de notre époque.
Si les générations futures s’interrogent un jour sur ce qu'était la vie en ces premières années du XXIème siècle, alors ils trouveront là un formidable document, comme on se reporte à Balzac, à Zola...
Avec une lucidité hors du commun, Despentes décrit notre époque: ses ambiguïtés, ses espoirs, ses détresses et ses erreurs...
L'autrice aborde les blessures encore béantes que sont Charlie, Le Bataclan, avec un recul qui force le respect, qui nous élève au dessus de nos petits nombrils.
Une portraitiste hors pair
Elle l'a déjà démontré à plusieurs reprises, et Virginie Despentes confirme avec ce tome 3 qu'elle est une portraitiste hors pair.
Dans Vernon Subutex, elle décline une galerie de personnages de tous horizons, a priori sans point commun, et qui pourtant convergeront (ceux qui savent savent) les uns vers les autres animés du même espoir d'un peu d'abandon de soi et de bienveillance.
Rien d’extraordinaire dans cette assemblée, ils sont les gens du quotidien: ils sont nos familles, nos voisins, nos amis et nos collègues.
Ils sont tous et toutes, ils sont leur époque, au fond, ils sont nous.
Despentes les aborde sans complaisance, avec leurs moments de grâce et leurs horreurs profondes, mais jamais elle ne les juge.
L'autrice explore l'âme humaine avec ce style qui lui est propre: brut, direct, intense.
Sur la forme, Virginie Despentes n'est pas dentellière, son écriture, c'est un uppercut en pleine face, mais peut-être que parfois c'est tout ce dont nous avons besoin...
Apothéose apocalyptique
Ce tome 3 et sa terrible page 370 étaient inéluctables.
Les deux précédents tomes ne laissaient d'autre issue, car ils sont le miroir d'une société qui tend inexorablement à la violence.
Paradoxe ou corollaire, les individus, eux, se vendent désespérément pour un peu de chaleur, un peu d'amour...
Vernon est le témoin de son époque, aussi le voit-on assister, impuissant, à la déconstruction d'un monde rêvé, et devenu réalité, par ceux-là mêmes qui l'avaient édifié.
L'humanité est rattrapée par sa nature...
Si je suis personnellement restée très hermétique à l'envolée ésotérique et futuriste des dernières pages, Despentes, avec ce final, m'a néanmoins laissée hagarde, la peur au ventre, avec une question en tête: et si elle avait raison...
Résumé
Vernon Subutex, ancien disquaire ruiné, se retrouve à la rue après la mort de son bienfaiteur, la rock star Alex Bleach, qui l'entretenait depuis la fermeture de sa boutique.
Vernon découvre la rue dans le tome 1, puis fait l'objet d'une chasse à l'homme , parce qu'il a en sa possession des bandes-son inédites de la rock star. Vernon devient un mythe, et son aura bienveillante agglomère une foule de personnages disparates autour de lui.
A la fin du tome 2, ils décident de se mettre au vert, de vivre de musique et d'amour. Hélas, la nature humaine les rattrape dans ce tome 3, où l'on verra ces convergences se déliter face à un Vernon Subutex impuissant.