Retour au village de grand-mère pour marcher sur les pas d'une légende. La couverture de Vert-de-Lierre est aussi belle que la plume de Louise Le Bars. Rien que pour ça, ça vaut peut-être le coup de lire ces 200 pages.



Le méchant végétal, dans le détail



Vous reconnaissez le début d'un classique de la littérature de genre ? L'artiste qui courre après l'inspiration et qui, pour la convoquer, va s'isoler dans un lieu hostile et solitaire. Olivier gagne la maison dont il a hérité et où les souvenirs abondent pour retrouver la Muse qui le délaisse. Lassé d'écrire des polars qui se vendent, il se tourne vers l'étrange parce qu'écrire ça se fait avant tout pour soi, et après pour les autres. Son éditeur n'est pas très content, mais il en a rien à faire parce qu'il croit tenir le moteur de son imagination : la légende du Lierreux.


Alors oui, la plume de l'auteure est suffisament soignée pour être soulignée. Le vocabulaire, pas toujours diversifié, mais ingénieux par son choix et sa précision rattrape les répétitions d'expression (entre les pages 9 et 12 Louise Le Bars peine visiblement à se passer d'expression insistant sur le caractère ancien des souvenirs du protagoniste et nous sert quantité de phrase comprenant le mot "année". Ainsi, elle prend le lecteur par la main tandis que les descriptions suffisaient à placer, dans son imaginaire, un décor vieilli). Elle joue avec le champ lexical de la nature et particulièrement des végétaux, autant qu'avec la synthaxe, et j'ai trouvé cela excellent. Mention spéciale au respect de la conjugaison qu'on ne fait plus par modernisation : l'utilisation du subjonctif imparfait qui m'a sauté aux yeux pour avoir été remplacé par du subjonctif présent dans la plupart des fictions d'aujourd'hui.


Le sujet phare de ce roman est pour moi la mise en évidence de la place des femmes à travers le temps et les modes de vie. J'ai presque l'impression de spoiler en en parlant tellement c'est sous-jacent quand on commence à lire. J'aurai dû me douter que la Muse d'Olivier ne serait pas une simple idée... Mais de là à imaginer tout ça, je m'y serais trompée. La mise en abyme sert cette intrigue cachée dont je ne vous parlerais pas : Olivier, pour s'inspirer, lit des histoires (parce qu'un auteur est avant tout un lecteur), et nous les lisons aussi, avec la un écoeurant dégoût ou une silencieuse rage dans le coeur. C'est un fond féministe qui plaira.


Néanmoins, j'ai eu la mauvaise sensation de lire une histoire prétexte à celle que Rose a écrite. Olivier est le narrateur de son enquête sur le Lierreux, certes, mais il devient surtout le conteur de l'histoire de Rose. Bon, les deux intrigues, celle d'Olivier et celle de Mary (écrite par Rose) se complètent, mais je dois quand même avouer avoir plusieurs fois perdu le fil.


Parce que si l'atmosphère de Vert-de-Lierre est réussie par ses décors et son mystère, le récit est entâché par le manque terrible de profondeur de ses personnages (qui en plus sont nombreux !). Comment comprendre Olivier et sa obsession pour sa voisine si l'on ne sait même pas qui il est, d'où lui vient son don, pourquoi il écrit, pourquoi il est seul ? Les personnages sont plus là pour servir l'intrigue que pour exister en tant que tel. D'ailleurs, je n'avais pas retenu le prénom du protagoniste avant de le relire au trois-quart du bouquin (c'est là que j'ai réalisé que je ne savais rien de lui et que ça me manquait). En plus, l'intrigue est complexe, alors quand on ne peut se rattacher à un personnage qu'on connaît, ça devient compliqué. Et le manque de contexte autour de cet atrait pour les souvenirs liés à sa grand-mère et à la légende attaque la crédibilité de cette histoire. Je ne parle pas de réalisme, parce qu'on est dans une histoire fantastique, mais bien de vraissemblance, de cohérence.



Les choses qui m'ont fait tiquer




  • Les élipses sont courantes pour passer d'un sujet à un autre, on sent
    qu'on a pas le temps de se reposer sur ses lauriers, mais c'est
    justement quelque chose qui m'aurais peut-être permis de m'intégrer à
    l'univers sans doute brumeux de ce roman. Voilà un roman qui aurait pu s'étaler sur une centaine de page en plus pour donner une consistance à ce récit et ses personnages.

  • Le fait qu'Olivier soit le narrateur de son histoire qu'il raconte au
    passé, avec un regard subjectif donc, m'a gênée parce qu'il amorce
    des événements avant qu'on les découvre dans le récit en les pointant
    du doigt sans subtilité. Pour moi ça tue le suspens, voire le mystère
    ! C'est exactement comme quand la caméra du réalisateur fait un plan
    insistant sur un couteau de cuisine avant une scène hors-sujet. On
    sait déjà à l'avance que ce couteau va servir. Quand c'est bien fait,
    il reste une part de suspens qui nous met juste l'eau à la bouche et
    fait fuser les théories dans notre tête, mais dans Vert-de-Lierre
    c'est moins évident.



Mot de la fin



J'ai rencontré Louise Le Bars sur un salon du livre et elle m'a donné envie de lire ses écrits en en parlant. J'avais nourri une certaine attente de ce premier roman, et elle n'a pas été assouvie. Mais je donnerai sans doute une chance à son second roman qui m'avait davantage alléchée. Charmant roman d'une charmante personne.

abauteure
6
Écrit par

Créée

le 25 avr. 2022

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