Je suis tombé tout à fait par hasard sur ce livre en déambulant dans les allées de ma médiathèque. Interpellé par le titre du bouquin mais ne connaissant pas l'auteur (même, si au final, je connaissais l'existence de plusieurs de ses autres ouvrages car elle a beaucoup co-écrit notamment avec Gérard Garouste, Marianne Denicourt ou Marceline Loridan-Ivens), je l'emprunte. Guidé par la curiosité d'en savoir plus sur cet épisode de la troisième république, quasi mythique, que fut la mort et les funérailles nationales de l'"Ecrivain" français.
Le travail de Judith Perrignon est immense et exemplaire. En moins de 250 pages elle nous embarque dans tous les lieux qui ont compté durant cet épisode... de la chambre d'Hugo où on assiste à ses derniers instants, au Panthéon qui, à cette occasion, retrouva sa destination de mausolée accueillant nos hommes illustres, en passant par les ligues révolutionnaires dont les membres ont bénéficié de l'amnistie négociée par Hugo lui-même lorqu'il était sénateur.
Suivant plusieurs personnages (Auguste Vaquery et Paul Meurice, ses légataires, Jeanne et Georges, ses petits enfants, Adèle, sa fille désormais à l'asile...) on prend la mesure de sa solitude familiale - à l'exception d'Adèle et de ses petits-enfants, Hugo a enterré tout ses proches.
Mais surtout (et c'est peut-être la partie la plus ardue à la lecture) le livre nous permet de prendre la mesure des enjeux de sa mort sur la société, des tentatives de récupération du gouvernement, des syndicats, de l'église qui, par exemple, n'a pas pu obtenir de donner l'extrême onction au poète...
Le récit, très factuel, est quasi cinématographique tant les images sont évocatrices. L'émotion est tenue à distance jusqu'à ce que subrepticement, alors qu'on ne l'attend pas (plus?), elle surgisse dans les derniers paragraphes lorsque l'auteur fait le constat des changements colossaux qui se sont produits durant les 130 ans qui nous séparent de ces temps d'engagements...
Extrait p. 242 : "... une torpeur démocratique s'est progressivement installée, comme l'électricité le long des rues, nous avons perdu l'habitude d'avancer dans l'obscurité, nous avons laissé l'algorithme économique gouverner, Marche ou crève. Nous sommes devenus de moins en moins sensibles aux épopées poétiques et au bonheur des peuples, moins tendres, moins naïfs aussi, plus froidement personnels..."