Vie de poète par Typhaine
« Vie de poète », vingt-cinq courts textes en prose réunis par l'auteur en 1917.
« Voyage à pied » est le titre du premier texte.
« Pour tout équipage, j'avais un vêtement clair et bon marché sur le corps, un chapeau bleu foncé sur la tête et un balluchon à la main ».
Et voilà notre narrateur ainsi vêtu parti dans l'humidité du petit matin. Un gamin se moque de lui : « il faisait allusion à mon petit paquetage minable, stupide, dont le ridicule n'échappait pas à son porteur et propriétaire lui-même ».
Il n'en a cure, il poursuit sa route, « des collines viennent à sa rencontre », ainsi que des montagnes, des vallées, des villages, des plaines, des forêts. À l'heure de midi, il est rattrapé par « la poussière de la route et la lumière du soleil, sèche, claire, aveuglante... », jusqu'au soir où la chaleur devient fraîcheur, arrive alors « le temps de chercher un abri », « une vielle auberge. »
Et puis il repart : « Malgré la saison froide, j'avais choisi une tenue toute mince et légère... La chemise et le chapeau pouvaient peut-être éveiller un tout petit doute insinuant ; ils avaient tous les deux quelque chose de mince, de miteux et de minable... »
Au gendarme qui l'arrête il dit : « J'ai l'impression que vous ne me voyez pas sous un jour favorable. »
Et ainsi, Robert Walser affublé d'un « costume débraillé », de « légers souliers de danse », d'un chapeau dont il dit qu'il est « hideux, hardi et stupide » va son chemin.
Il a le vêtement « rebelle, entêté en diable... et l'ajustement effronté et pétulant... »
Mais où va t-il ainsi accoutré ?
La réponse est : dehors ! À la rencontre du « spectacle du monde », voir le ciel, les champs de blé, les nuages, traverser le pays « léger comme le vent, délié comme la pensée en liberté ».
À l'air libre, il n'aime pas être enfermé.
Robert Walser aime les adjectifs, comment qualifier à mon tour cette écriture singulière qui rend le narrateur si attachant ?
Du rythme bien sûr, de l'allégresse, de la malice, de la vivacité, une écriture dont on pourrait dire qu'elle est prise sur le vif, en forme de clin d'œil.
Vadrouille, vagabondage, divagation au travers desquels un homme se raconte.
Enfermé dans sa chambre, assailli par l'angoisse il s'adresse à son poêle : « Toi, rien ne t'agresse » lui dit-il, et l'on comprend la détresse du personnage, dite aussi ici : « n'ai-je pas joué, tout compte fait, un personnage entièrement inutile, sans but, sans appui, sans responsabilité, et par là, superflu ? Eh si ! »