Que ce fut laborieux !
Avant toute chose je reconnais à Suétone un certain talent narratif, bien qu'il ne m'ait pas passionné du début à la fin de son ouvrage. Une prose simple, posée et mécaniquement structurée qui correspond finalement bien au genre biographique.
Chaque empereur y est grosso modo décrit suivant (dans l'ordre) le prestige de sa famille, sa jeunesse, ses faits d'armes, son accession à la magistrature puis son accession au principat, son comportement dans l'exercice du pouvoir (religion, justice, finances ...), sa moralité (ou le plus souvent absence de moralité) et enfin les circonstances de sa mort et son apparence physique.
Cette mécanique bien huilée est évidemment adaptée au prestige relatif à chaque empereur : ainsi César et Auguste se partagent-ils presque à eux deux la moitié de l'oeuvre alors que Galba, Othon et Vitellius tiennent en une cinquantaine de pages (mon édition en comportait 500). C'est alors que l'on s'aperçoit des limites d'un tel ouvrage : compiler la vie de 12 individus, si prestigieux soient-ils, implique de sacrifier l'exactitude historique ou de n'être parfois qu'un récit d'anecdotes.
Les longues digressions sur des exemples de jugements rendus ou de condamnations prononcées par tel ou tel empereur sont, à la rigueur, digestes pour les trois premiers, mais lorsqu'il s'agit d'apprendre comment le cousin d'untel fut tué pour avoir forniqué avec la sœur d'un ancien affranchi de l'empereur mentionné à la biographie précédente, je peine à apprécier la lecture !
Car, soyons sérieux, le ton flegmatique de Suétone n'est rendu appréciable que par le détachement (volontaire?) avec lequel il narre les atrocités commises par Tibère, Caligula ou Domitien, ses cibles favorites. En effet, après Auguste, chaque récit biographique est une ode à la décadence, un conte de monstruosité, un éloge de la folie ! Chaque empereur meurt peu ou prou assassiné par les siens (ce que Suétone tente de masquer en détaillant pour chacun d'entre eux les augures prévoyant leurs morts (genre une feuille d'arbre qui tombe du mauvais côté, oui c'est de la divination de haut niveau)), ce à quoi le peuple se réjouit, nomme un nouvel empereur, qui tombe lui aussi dans les vices du pouvoir et se fait ainsi assassiné et caetera et caetera ...
Les passages les plus stimulants sont donc ceux narrant des épisodes déjà connus : le franchissement du Rubicon par César, l'incendie de Rome par Néron, les tortures de Caligula ... sans oublier les innombrables relations incestueuses entre des individus dont on a peine à retenir qui ils sont tellement les noms romains se ressemblent (il y a eu au moins 3 Germanicus, comment voulez-vous qu'on s'y retrouve ??). La lecture est donc tantôt plaisante, tantôt laborieuse, et la dimension factuelle des biographies étant peu fiable, il est même difficile d'en tirer quelque savoir assuré.
Les Vies des Douze Césars reste tout de même un ouvrage appréciable pour ses descriptions des coutumes impériales et de l'évolution de la civilisation romaine, au travers des fortes personnalités qui l'ont bâtie.