Avec Les Racines du Mal, Dantec est vite devenu le messie français d’une littérature cyber-punk ambitieuse, aussi efficace et solide que ses équivalents américains. Mais, de roman en roman, le nihilisme politique et la ferveur métaphysique ont pris le pas sur l’intrigue, et, dans Villa Vortex, Dantec s’emmêle les neurones...

Le jeune inspecteur Kernal du SD de Créteil enquête sur la mort d’une jeune fille atrocement mutilée. Le corps a été retrouvé dans une décharge publique près d’une centrale électrique en voie de destruction. Après de nombreux interrogatoires, l’enquête stagne, la victime demeure non-identifiable, et Kernal tourne en rond... mais lorsque l’autopsie révèle la présence de nombreux mécanismes électroniques "insérés" dans le cadavre, il a une certitude : un serial-killer d’un nouveau genre vient de naître, et il n’a commis là que son premier crime.

Voilà un démarrage à la fois classique et suffisamment spectaculaire pour promettre un beau polar cyber-inspiré de la part d’un Dantec dont on a déjà pu expérimenter le savoir-faire. Mais Dantec n’a aucune envie de s’installer dans son trône d’auteur culte, répliquant la recette Série Noire + Cyberpunk = gros succès. C’est d’ailleurs la preuve de son honnêteté intellectuelle. L’ennui, pour le lecteur, c’est que cela le mène à des envies de réflexions politiques et métaphysiques incompréhensibles du commun des mortels.

L’enquête de l’inspecteur Kernal s’efface donc rapidement derrière un embrouillamini invraisemblable où se croisent les terroristes islamistes, la chute du Mur de Berlin, le FN-police, les trafiquants d’arme albanais, la police secrète algérienne, la mafia corse, et, événement élevé au rang de symbole de l’apocalypse, l’effondrement du Wall Trade Center le 11 septembre... Dantec met des majuscules à tous les mots, qu’il choisit les plus longs et les plus complexes possibles, disserte sur l’Homme, L’Europe, le Progrès [des valeurs auxquelles il ne croit visiblement pas]. A longueur de page il professe de six mille façons la fin de notre monde occidental.

Vous me direz : Formidable ! Enfin un auteur ambitieux, enfin de la philo dans le polar, enfin un penseur rebelle... ok, mais essayez donc de comprendre Dantec d’abord. Parce que le vrai problème est là : la moitié du roman est IL-LI-SI-BLE.

A croire en réalité que Dantec l’a fait exprès !

Qu’il analyse par le menu les double-sens de l’alphabet hébraïque, qu’il insère au milieu du récit les carnets de note d’un photographe de guerre en ex-Yougoslavie, ou les extraits d’un article scientifique incompréhensible sur les retrotransposons, Maurice a tout fait pour nous semer en route, désireux sans doute de n’être suivi que par les meilleurs d’entre nous...

Et bien c’est réussi : j’avoue avoir succombé à la page 633 lorsque le flic [mort mais pas vraiment...] s’entend expliquer que "Le Néant, c’est la mise au monde de ce qui n’existe pas, et c’est le retrait de ce qui disparaît dans l’existence." Je rêve, je suis devenu débile, ou alors ça ne veut rien dire ?

C’est trop pour moi, bravo Dantec , tu as vaincu par K.O. l’un de tes derniers admirateurs. D’ailleurs tu seras bien content qu’on n’ait pas pigé Villa Vortex, c’est sûr. Quelque chose me dit même que tu l’as fait exprès.

En tous cas si, comme l’annonce l’éditeur [qui n’a pas dû lire non plus jusqu’au bout], ce roman n’est que le premier d’une trilogie, tu me permettras de m’arrêter là.
thierryhornet
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le 1 mai 2013

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