Viol, une histoire d'amour par BibliOrnitho
Le 4 juillet 1996 : Niagara Falls est en fête comme tout le reste des Etats-Unis.
Tina Maguire rentre d’une soirée arrosée passée chez son ami Ray Casey. « Non Ray, on ne reste pas dormir. Pas ce soir ». Il n’est pas très tard – minuit à peine – mais Bethel, sa fille de douze ans qui l’accompagne, est fatiguée. Madame et mademoiselle rentrent à pieds. « Merci Ray, pas la peine de nous raccompagner : on va marcher, ça nous fera du bien ». Et parce que le trajet compte dix minutes de moins et parce que le paysage est très joli, Tina décide de couper par le parc.
Des choix en apparence insignifiants qui vont pourtant avoir des conséquences terribles, des répercutions inimaginables et briser des vies entières. Car, dans ce même parc, des potes fêtent à leur manière le jour anniversaire de la déclaration d’indépendance : alcool et drogue, dont le fameux « cristal meth » qui revient dans beaucoup de romans de JCO. Quand cette bande de joyeux drilles voient Tina et Bethel arriver vers eux, ils ne sont plus eux-mêmes, désinhibés, encore plus violents qu’à l’accoutumé. Ces deux femelles tombées du ciel sont pour eux la cerise sur le gâteau, les garantes d’une soirée réussie.
Et c’est le drame.
Innommable, irréparable, traumatisant, sordide… On pourrait multiplier les adjectifs à l’infini. Tina est laissée pour morte (mais survivra après une semaine de coma) tandis que Bethel qui a réussi à se cacher dans un trou de souris, n’est que blessée. Elle n’a rien vu du viol de sa mère. Ce qui pose problème car l’avocat de la défense, un ténor du barreau que les familles des accusés se sont offert au prix de très lourds sacrifices, va s’engouffrer dans cette brèche étroite. « Problème », oui et non, car le traumatisme de la jeune fille aurait été encore pire dans le cas contraire. Mais pour la justice, peu connue pour son empathie, c’est un problème.
A travers le ténor du barreau que JCO dépeint comme un modèle de cynisme, ce sont tous les avocats de la défense qui en prennent pour leur grade. La vérité importe peu car dans un procès, chaque histoire a deux versions : celle qui gagne, et l’autre. Les rapports sexuels ne sont pas contestés, mais la défense laisse entendre que Tina est une prostituée qui, selon les us et coutumes de tout artisanat digne de ce nom, a dûment rémunéré ses prestations.
Sordide.
Tina en vire folle et s’isole du monde extérieur. Les violeurs, eux, plastronnent.
Le titre du livre était sans équivoque et le sujet sans surprise. Et si le livre n’avait été de JCO, je ne l’aurais même pas ouvert. Seulement JCO a un talent immense. Quelle grande dame (littérairement parlant du moins) ! Et quel livre. Bien sûr, le discours est parfois explicite et m’incite à veiller à ne pas le mettre en toutes les mains.
Mais comme à son habitude, plus que la tragédie elle-même, c’est la gestion de l’événement et les conséquences de ce dernier qui intéresse l’auteure. Et c’est avec brio qu’elle étudie comment les victimes vivent après le drame. Comment elles vont remonter des ténèbres. Quelle énergie elles vont trouver pour revenir à la vie. Dans quelle mesure le regard que leur portent les autres va se modifier… Avec son lot de médisances, de calomnies, de mesquineries, de fuites… Mais aussi d’amour et de vengeance.
Encore une lecture réussie !
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