Vivance
7.2
Vivance

livre de David Lopez (2022)

Rarement mon avis sur un livre n’aura autant évolué que pendant la lecture de cette Vivance de David Lopez, et si j’émettais de nombreux doutes après les cinquante premières pages, je pense aujourd'hui qu’on est pas passé loin d’un grand bouquin.


Au moment de la sortie de son premier roman, Fief, David Lopez avait dit qu’il cherchait à écrire « ce qu’on fait quand on ne fait rien ». Avec Vivance, on pourrait dire qu’il essaye d’écrire ce qu’on fait quand on ne va nulle part. Et c’est peut-être ça qui nous perturbe au départ, c’est que rien n’est efficace, tout semble flou (le bouquin s’ouvre d’ailleurs dans la vapeur d’une salle de bain), en suspens, à la fois erratique et superflu. On a très envie de couper des phrases, d’enlever des mots, de raccourcir, de sauter des lignes. Et puis au lendemain de l’inondation, ça y est, on monte à vélo, et il y a comme quelque chose qui se décante avec le mouvement qui s’enclenche, mais un mouvement sans but, sans fin, improductif et aléatoire.


Aucune adresse ne sera donnée, aucun lieu ne sera précisément décri, et notre narrateur est un être beaucoup plus largement composé de faits et gestes que rempli de considérations sur son passé. À peine sait-on qu’il s’est fait larguer et qu’il a l’air au chômage après avoir fait je ne sais quoi. Toutes ses auto-descriptions physiques ne concernent d’ailleurs que ce que l’effort ou les éléments produisent sur son corps tout au long du livre. Et cette narration reflète parfaitement ce que l’auteur souhaite produire comme effet en nous offrant des tours et des détours avec un personnage de fumeur qui s’alimente plutôt mal et s’arrête assez souvent dans les PMU des patelins qui jalonnent sa route. Honnêtement, je ne pense jamais avoir autant ressenti l’impression de ne pas me faire « manipuler » par un narrateur qui aurait toujours deux ou trois coups d’avances sur moi. Il n’y a aucun jeu d’esbroufes, aucune recherche de la virtuosité stylistique et on peut ainsi projeter sur ce narrateur tout ce qu’on veut soi-même y projeter en fonction de comment on est luné.


C’est dans cette expérience du rien, de cette improductivité scénaristique que je trouve cette errance littéraire particulièrement féconde. Je pense notamment à cette scène où notre narrateur descend en ville avec Noël, l’autre personnage « fort » du roman, et qu’il arrive à se perdre dans la foule sans vraiment chercher à retrouver son nouveau pote, alors que quelque chose d’assez intense commence à se tisser entre les deux. Vivance c’est ça en fait, c’est quitter la nationale de la tension dramatique pour faire le choix du pas de côté et s’affranchir de la linéarité. D’ailleurs, je pense même que l’auteur aurait pu aller plus loin, parce que la dernière partie du livre délivre une sorte de résolution sentimental et parce que notre narrateur finit mine de rien par boucler la boucle, ce qui altère un petit peu la qualité du roman en allant pas totalement au bout du bout de ce projet si justement anti-romanesque.

cortoulysse
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il y a 7 heures

corto_ulysse

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