Il s’agit de ma première confrontation avec l’écriture de Delphine Horvilleur, dont je n’avais jamais entendu parler avant, et ce livre m’est tombé dans les mains à un moment où j’envisageais une reconversion professionnelle… comme conseillère funéraire. Un métier qui, comme celui de Delphine, vise à accompagner les défunts et leurs proches tout au long de ce moment difficile.
Cet essai se décompose en onze récits de vie (et de leur finitude), onze histoires qui s’enchaînent et ne se ressemblent pas, même si elles se terminent de la même manière.
On y suit des réflexions sur la vie, la mort, le métier de rabbin, le rapport à la religion, le besoin de réponses, mais aussi de belles anecdotes, des messages beaux, graves, tristes, légers. On y entend des noms souvent inconnus comme celui de cette américaine dépressive obsédée par l’organisation de ses funérailles, ou de ce jeune garçon qui demande où regarder, le ciel ou la terre, lorsqu’il pense à son frère, et parfois ceux, plus connus, d’Elsa Cayat, victime de l’attentat de Charlie Hebdo, et de la grande Simone Veil et son amie Marceline Loridan, surnommées « les filles de Birkenau »… Et également les noms mythiques de personnages de la Bible comme Abel, Caïn et Moïse qui se rebella contre Dieu à l’heure de sa mort.
Delphine Horvilleur se livre également, en parlant de personnes qui lui étaient très proches, comme cette meilleure amie partie trop tôt ou cette grand-mère déportée dont on ne parle pas dans la famille.
Et bien que ce livre parle de la mort et des gens qui passent de l’autre côté, il parle avant tout, et surtout, de la vie : celle des disparus, celle de ceux qui restent. Il est parfois léger et drôle, Delphine Horvilleur s’autorise quelques traits d’humour et blagues juives, et c’est un ajout très agréable, qui permet de ne pas sombrer dans la déprime en lisant ces pages. S’il parle énormément de religion, le texte de Delphine Horvilleur n’en est pas écoeurant de prosélytisme ; au contraire, elle se révèle captivante et nous apprend beaucoup de choses sur la culture juive sans jamais limiter son propos à cette seule religion. De par son métier, elle aborde obligatoirement le sujet et s’interroge sur ses interprétations, mais le fait que le roman s’ouvre sur une citation qui rappelle la définition de laïcité n’est pas une coïncidence.
Le livre parle d’ailleurs énormément de linguistique et des subtilités de la traduction biblique, et on y apprend quelques petites choses, comme la signification du mot « abracadabra », ou que, contrairement à notre langue, il existe un mot en hébreu pour qualifier les parents qui perdent un enfant.
Une belle lecture en somme, le genre de livre qui reste en tête bien après l’avoir lu.