Jeanne Benameur témoigne de la prise de liberté de la mère de Jésus grâce aux signes écrits, elle toujours assignée dans son rôle de Mater Dolorosa. De la figure de Marie, mère liturgique qui accompagne la chair de sa chair jusqu’à la mort, l’écrivaine la fait renaître, perceptible aux souffrances des autres et élément de transmission pour redonner paroles par l’écriture. Seulement, l’échange, affirme Jeanne Benameur, n’est jamais à sens unique, on apprend de l’autre comme il apprend de nous.
Le souffle poétique de Vivre tout bas témoigne de l’exil de la mère de Jésus et de sa renaissance après sa souffrance ultime. Jeanne Benameur décrit avec des mots choisis cette femme toujours représentée avec un front lisse et des cheveux attachés, les yeux à moitié fermés, contemplant un enfant qui ne lui appartient pas. Ici sa Marie est échevelée, son visage caché par ses cheveux libérés à l’image de son renouveau, cherchant le rire d’une enfant, elle qui a enfanté de si étrange façon d’un bébé qui ne savait pas rire !
C’est la rencontre avec une petite fille, mutique depuis un événement traumatique, qui redonne à cette femme le pouvoir de transmettre son savoir et sa connaissance. « (…) la souffrance n’empêche pas la joie de faire son chemin. Pas à pas. Elle peut grandir et grandir encore. La joie ne prendra jamais la place de la peine. C’est un espace nouveau qu’elle crée et on ne le comprend que si on ose. »
Jean, auquel Jésus a confié la protection de sa mère, s’émancipe lui aussi de l’emprise ressentie bienfaitrice pour devenir pêcheur d’hommes et écrivain suprême du livre universel.
La souffrance de Marie, d’avoir « porté l’inconnu à l’intérieur de sa vie« , la relie à l’enfant qui a perdu sa mère. L’écriture devient l’espace de création où les paroles retrouvent la profondeur et leur sens profond. L’écrivaine souligne l’importance de l’écriture pour elle-même, mais aussi pour chacun à travers la lecture.
Vivre tout bas porte les « obsessions » de Jeanne Benameur : l’exil pour renaître et la réparation par le langage. Il faut prendre le temps de lire à haute voix pour appréhender ce mouvement que forment les phrases avec ces répétitions, les rythmant. On y retrouve aussi la mer proche, l’apaisement du corps nageant, la méditation et le regard sur les oiseaux qui s’envolent pour signifier que l’on renaît différent après un deuil.
Le texte est plus méditatif que les précédents, plus métaphorique aussi, me semble-t-il. La langue de Jeanne Benamer est toujours aussi déliée, mais ciselée au scalpel de son travail de précision.
La Marie de Jeanne Bénameur, mère de tous les hommes, nous livre un message : » Que chacun protège celui qui est près de lui et plus loin encore ceux qui ont besoin d’aide. C’est comme ça que les humains peuvent vivre et continuer. Il n’y a pas d’autre route. »
Quel message d’espoir face aux incertitudes du présent !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/01/10/jeanne-benamer-vivre-tout-bas/