Lorsque Carlos Castaneda, anthropologue de formation, écrit son roman Voir, il est déjà l’auteur à succès d’un premier roman intitulé l’Herbe du diable et la Petite Fumée : une voie yaqui de la connaissance. Dans cet ouvrage, le jeune homme va suivre un apprentissage ésotérique auprès d’un sorcier amérindien du Mexique, nommé Don Juan, et étudier notamment l’effet de certaines plantes tel que le peyotl, un cactus aux effets secondaires hallucinogènes (et interdit dans nos contrées).
Carlos revient quelques années plus tard auprès du sorcier pour lui offrir un exemplaire de son roman. Son apprentissage inachevé lors de sa première visite, Don Juan va peu à peu reprendre son apprenti en main, et tenter de lui apprendre à « voir ».
Ce roman ferait plus ou moins office d’autobiographie, mais le passé trouble de l’auteur, - beaucoup de points de sa vie se sont avérés faux - laisse un doute sur la véracité de ce récit. Si on fait abstraction de cela, c’est un pur régal de quête initiatique, dans laquelle je me suis laissé happer. Voir, c’est à la fois pour le narrateur et pour son lecteur, une façon différente de penser le monde qui nous entoure, avec une bonne part de magie et de rêverie. On nous conte des histoires d’esprits liés à la nature, de gardien de l’autre monde se présentant tout d’abord sous la forme d’un moustique avant de devenir une masse énorme et inquiétante, d’alliés qui peuvent devenir des ennemis si l‘on manque de vigilance.
Carlos Castaneda nous narre ici le cheminement périlleux qui va le mener vers la connaissance, à travers diverses expériences douloureuses et rencontres parfois surnaturelles.
Sans entrer dans les débats sur la véracité ou non du récit (l‘absorption régulière du peyotl par les protagonistes, aide à se forger un début d‘opinion), j’ai aimé ce roman, que j’ai vraiment pris comme tel, plus que comme une expérience potentiellement vécue par l’auteur lui-même. La relation maitre / élève est bien décrite, Don Juan tissant des liens proches du paternalisme avec Carlos. J’ai également beaucoup apprécié son côté psychédélique, ces visions décrites par l’auteur, m’ont renvoyé vers les peintures d’Alex Grey, ou bien à l’époque des hippies dont Carlos Castaneda fut une des figures emblématiques.
En plus d’une belle quête initiatique, Voir permet de découvrir une autre façon de penser le monde à travers la culture yaqui et celle de ses sorciers. Un monde dans lequel tout est égal, donc rien n’a d’importance. Et si rien n'a d'importance, il faut savoir rire de la vie elle-même. Ce qui n'empêche donc aucunement d'apprécier la lecture avec un esprit rationnel.
A titre personnel, c’était aussi l’occasion de lire un ouvrage qui aurait grandement influencé la philosophie de l’un de mes groupes cultes, à savoir Tool. Danny Carey étant passionné par l’occultisme, et Maynard s’intéressant de très près aux cultures amérindiennes, il n’y a qu’un pas que je franchis allégrement. La chanson Third Eye tirée d’AEnima, semble d’ailleurs faire étrangement écho à certains passages du livre.