Jean-Noël Orengo présente son nouveau roman "Vous êtes l'amour malheureux du Fuhrer", qui reprend le récit d'Albert Speer et l'ausculte à la lumière de l'Histoire.
L‘architecte Albert Speer (1905 -1981) fut un proche d'Hitler même si sa biographie, parue en 1969, a complètement minimisé ses liens. Il ne restait plus de survivants potentiellement susceptibles de lui rappeler son passé. Alors, Speer raconta ce qu'il voulait.
Il fut quatorze ans dans les arcanes du pouvoir nazi. Architecte de la première construction en l'honneur du "Guide", comme il le surnomme Albert Speer, La Zeppelinfield à Nuremberg illustre parfaitement le "talent" du national-socialisme.
Cette architecture de lignes verticales massives avec ce svastika encerclé illustrera le pouvoir nazi à jamais dans l'histoire, comme un péplum de très mauvaise facture. Il a créé de toutes pièces le décorum faisant encore partie de nos représentations actuelles. Il imagina une ville Germania, rassemblant toute la démesure nationale nazie. Nomme Ministre des armées,
Il mit ses architectes au service de la guerre totale. Il utilisa des hommes emprisonnés des camps de concentration pour les usines souterraines planifiées par son Führer et ses généraux.
Accusé au procès de Nuremberg en 1946, il échappera à la peine de mort et a purgé la totalité de sa peine de vingt ans. À sa sortie, ses mémoires furent un best-seller, où il prônait comme à son procès.
Seulement la question fondamentale reste de savoir à quels moments Albert Speer a eu conscience de l'extermination de masse mise en place par le régime nazi ? L'argumentaire de Speer lui-même dans ses écrits, ses interviews, au procès de Nuremberg et après fut toujours d'endosser "la culpabilité collective et de l'innocence individuelle".
L'hypothèse de Jean-Nöel Orengo est que Speer s'est inventé le récit de sa vie dans ses mémoires. À partir des documents, il expose les éléments de cette mise en scène entre l'attirance réciproque de l'homme de pouvoir pour l'artiste. À l'image de Jules II et Michel-Ange, Albert Speer a surfé sur ce couple de légende pour justifier cette relation très particulière qui fit dire à un de ses subalternes "Vous êtes l'amour malheureux du Führer".
Le détail du travail d'historien de Gitta Sereny, autrichienne et juive ayant fui aux États-Unis, y est relaté. Pendant près de dix ans, elle suivit Speer lui-même vers les années 70. Jean-Noël Orengo analyse et décortique, présentant une intéressante réflexion sur l'historien et son sujet d'étude.
Ce récit résonne aujourd'hui. Où est la vérité ? De quelle manière, est-elle manipulée ? Albert Speer l'avait bien compris. Du moins, Jean-Noël Orengo soutient cette thèse.
Difficile de penser qu'un proche du Führer n'ait rien su. Seulement, le récit servi au procès évita à Speer la peine capitale et lui permit de vivre tranquillement, adulé même, après son emprisonnement. Évidemment, le vertige envahit le lecteur...
En décortiquant les arguments d'une autofiction inventée, Jean-Noël Orengo illustre les conséquences de la falsification de la vérité, tellement reprise actuellement. Mais, c'est aussi une véritable réflexion littéraire que Jean-Noël Orengo livre sur autofiction et réalité et autofiction et Histoire.
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/09/16/jean-noel-orengo-vous-etes/