J'ai découvert Céline par hasard. J'avais 18 ans. J'avais choisi une section littéraire au lycée, mais jamais un seul prof n'a prononcé son nom. Céline n'avait déjà pas sa place dans Lagarde et Michard.
Le Voyage m'est tombé maintes et maintes fois des mains, il m'a agacée, il m'a saoulée, il m'a obnubilée et a fini par me posséder, presque malproprement. Je suis devenue comme Bébert, le matou tigré, "d'une fidélité de fauve" envers Céline.
Comment ai-je appris son existence ? Je ne m'en souviens pas.
Les querelles que je lis sur ces pages m'amusent. Parce que le soir, je retrouve ce qu'il nous a laissé. Je retrouve Bébert, souffreteux et déjà presque plus là, dans la loge de la concierge, je retrouve la lumière qui meurt sur les façades de Paris quand le soir tombe sur la ville, je retrouve le ferry qui traverse la Manche, celui de "Mort à crédit", qui donne si bien le mal de mer...Je retrouve les écuries de Casse-Pipe, la fuite vers un impossible ailleurs chaotique d'un Château l'autre.
Toutes les querelles de tous les experts du monde ne sauraient ternir le talent de celui, qui, j'en suis presque certaine, devait éprouver autant de plaisir (sinon plus !) à être haï qu'à être aimé.