La seule raison pour laquelle ce "Voyage au bout de la Nuit" n'est pas plus étudié en cours, c'est sa taille. Parce que oui, c'est un pavé ! Mais quel pavé ! Quelle richessse !
Cet ouvrage conte le voyage initiatique que fait le héros à la guerre, puis en Afrique, à New York et de nouveau à Paris, cherchant toujours à fuire ou contourner les problèmes pour finalement se rendre compte qu'aucun lieu sur Terre en est dépourvu.
Bardamu, le héros, un peu à la manière de Meursault dans l'Etranger, est un anti-héros. Tout d'abord, il est couard. S'étant engagé dans l'armée sur un coup de tête, il décide de déserter. La guerre aura sur lui un impact à vie. Il errerar par la suite "fort" de dégoût et de désillusions. Tel un touriste dans une existence qu'il ne comprend pas et surtout qu'il n'apprécie pas, il subit les événements les uns après les autres. Certains détails de son entourage l'interpellent, mais il a conscience de son inutilité, du fait d'être voué à la mort. La mort, parlons-en, elle occupe tellement les préoccupations de Bardamu qu'elle en devient un personnage et lorsqu'ils sont confrontés, notre héros de s'émeut absolument pas. Quel humain peut voir défiler autant de vies devant lui sans réagir ? Certes, mais quelle autre possibilité existe-t-il ?
Au travers des voyages qu'il effectue dans le monde, Bardamu se conforte dans son pessimisme et la nature humaine le rebutte. Selon lui, nous ne sommes en fait que les engrenages d'une mécanique qui nous dépasse et qui n'a pour seul but qu'elle-même. Voilà pour le côté absurde que l'on retrouve dans Camus.
Mais le Voyage ce n'est pas que ca ! L'existentialisme y est présent aussi. Sachant qu'il ne peut que mourir et que la flamme qu'il entretient est nécessairement ephémère, Bardamu prend le parti de profiter de la chance qui lui a été donnée. Il croque dès lors la vie à pleines dents, satisfaisant tous ses plaisirs. Parmi les dits désirs, les actes charnels occupent une place importante et Céline les aborde sans tabou. En ce qui concerne ses plaisirs, Bardamu n'y va pas par quatre chemin : il aime ce qui lui fait du bien, que ce soit moralement accepté ou non. Nous sommes donc loin du grand personnage épique et chevaleresque qui dédie sa vie à la veuve et l'orphelin... Mais encore une fois, cet anti-héros sait qu'il n'oeuvre que pour une satisfaction égoïste et temporaire vouée au néant.
En plus des pensées passionantes qu'il propose, cet ouvrage est merveilleusement rédigé. Le "Voyage au bout de la Nuit" nous en met plein la vue ! J'entends par là que c'est une oeuvre visuelle autant que littéraire tant les descriptions sont justes, précises et agréables. Mais attention ! Ici, nous ne sommes pas dans un langage pompeux et surfait ! Céline manie trés bien sa plume pour rendre son texte complet et musical mais ce, sans tomber dans une quelconque lourdeur. On ne subit pas la lecture du Voyage, au contraire, on voyage avec Bardamu. Si l'on met du temps pour clore le livre, c'est parce qu'on cherche à profiter pleinement de chaque page et non pour des problèmes de décodages linguistiques.
Il n'y a d'apès moi que deux bemols à la qualité de ce monument. Le premier est le voyage en Afrique qui, à part des souffrances, n'apporte rien. Ce n'est vraiment pas là que les réflexions de Bardamu sont les plus intéressants. L'analyse des relations qu'il entretient avec ses pairs n'est pas enrichissante. Deuxièmement, les deux derniers chapitres sont désagréables pour les mêmes raisons. Ils content une sorte de vengeance amoureuse ainsi que des préoccupations de niveau inférieur si je puis dire. Pour le coup, dans ce passages, il y a des longueurs...
Mais peu importe ! Le "Voyage au bout de la Nuit" est une oeuvre majeure qui vous fait découvrir tout un univers ! On dit que Camus est intéressant mais ici, on entre autant voire plus en profondeur dans les sujets et l'histoire en elle-même est passionante.
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