Ouvrage massif mais dispersé à l'image de son auteur
Walden ou la vie dans les bois,grande oeuvre de Henry David Thoreau, est un livre presque inclassable.Oscillant entre un journal d'expérience (la construction d'une cabane au bord d'un étang), une chronique naturaliste plus ou moins habile et un essai sur la nature humaine, l'auteur, comme à son habitude, n'a pas tranché dans sa ligne narrative conductrice. De cette posture dispersée,embrassant une variété immense de points de vues et d'analyses, découle une oeuvre inégale et indomptée. A mon sens, Henry David Thoreau,qui a divisé son livre en dix huit chapitres, parvient à toucher le lecteur dans trois d'entre elles à savoir: où je vécus et pourquoi je vécus,solitude et les étangs. Ce sont des parties où l'essayiste rassemble en cohérence ses idées et transmet de la clarté,du lyrisme dans un style approprié. Pour ma part,Walden ou la vie dans les bois, reste un récit d'aventure pour son époque.Même si l'étang de Walden jouxte un village proche, le lecteur peut imaginer que les contemporains de Thoreau aient pu d'abord le prendre pour un original avant de comprendre l'intérêt de son existence choisie et temporaire en pleine nature. En lisant l'auteur, le lecteur comprend que son voyage intérieur,philosophique et naturaliste ait été le bénéfice ultime de son entreprise.
Là où Thoreau dévie clairement dans la compréhension de son environnement, c'est dans son approche qui mêle naturalisme et science. N'étant qu'un essayiste, agitateur d'idées de talent , il se perd ici dans des considérations scientifiques qu'il ne maîtrise pas vraiment. Nous pouvons lui accorder le fait de s'être documenter par les livres sur les sciences naturelles mais ce n'est vraiment pas son domaine de compétence. J'imagine aussi que la rudesse du climat hivernal, les épreuves du quotidien pour se nourrir, se chauffer, la coexistence pas si facile avec les animaux ont pu aussi entâmer son flegme,sa patience,éléments qu'il a la modestie de reconnaître.
Pour tout dire, je m'attendais à un livre plus rayonnant avec un supplément d'âme un peu plus flagrant. Je ne suis ni totalement déçu par l'ensemble ni totalement conquis. Je comprends cependant pourquoi Walden ait pu influencer de jeunes individus épris de liberté et de grands espaces. C'est déjà un héritage considérable dont cet oeuvre a pu être la dépositaire désignée. Je finirais par un conseil supplémentaire: lisez la conclusion de l'ouvrage où Thoreau retrouve son lyrisme idéaliste, sa marque de franc-tireur qui sont indéniablement sa justification littéraire et citoyenne.