Ayant gagné une bourse d’écriture pour un séjour de trois mois en France avec sa femme Tellas, un écrivain argentin, hypocondriaque sans doute, se retrouve à Saint-Nazaire tourmenté par divers maux, et en particulier un kyste dans la nuque qui grossit et se métamorphose, bizarrerie qu’il semble accepter comme un appendice étranger à son propre corps.
Pour soigner néanmoins cette excroissance surprenante, une homéopathe lui prescrit une pommade au wasabi. Il goûte la pommade avec sa femme et tous deux développent une forte addiction pour l’euphorie qu’elle génère.
«Les premières minutes passées, lorsque la rafale avait cessé de produire son effet anesthésique dans le nez, une convulsion vorace s’emparait de nous. Nous devenions chair, chair réduite à son état de pureté maximale, pure chair crue.»
Le narrateur souffre aussi d’une narcolepsie caractérisée par des périodes de sommeil d’exactement sept minutes, et il se retrouve ainsi chaque jour confronté à l’énigme (et à la recherche) de ce temps perdu. Bien sûr il n’arrive pas à écrire et devient obsédé par Pierre Klossowski – qu’Alan Pauls admire beaucoup par ailleurs - suite à une proposition de Bouthemy, son éditeur redoutable, de prendre un des tableaux du grand homme comme couverture de son livre.
Le kyste, son traitement au wasabi, les périodes de sommeil, agissant comme des courts-circuits, et l’obsession de Klossowski entraînent par la suite une spirale d’événements improbables, autour de la vie de couple et du destin d’écrivain du narrateur.
Beaucoup moins abouti que ses livres ultérieurs mais assez drôle, piquant comme un récit d’Eric Chevillard, ce court roman déjanté de 1994 se termine en extase et célèbre le pouvoir délirant de la fiction, ou comment l’écrivain se débarrasse des grandes ombres qui l’empêchent de créer, et transforme ses insuffisances en pouvoir surnaturel.