« Week-end à Zuydcoote ». Pour son premier roman, Robert Merle ne raconte pas la seconde guerre mondiale, il n’en dévoile qu’un bref moment, le tout début : 1940, la poche de Dunkerque où se trouvent acculés les soldats français et britanniques qui ne savent trop comment résister au tir des stukas allemands. Leur seul espoir, l’embarquement sur les bateaux qui pourraient les désenclaver par la mer. Les embarcations britanniques semblent venir, les françaises se font attendre.
Dhéry, Alexandre, Piersons et Julien Maillat, quatre compagnons d’armes français popotent sur un bout de plage en attendant la délivrance. Un week-end à tenir. Un week-end à Zuydcoot, entre Dunkerque et Bray-dunes, ce n’est pas une destination de rêve pour un city-trip mais ces derniers n’existaient pas encore. A l’époque, nos quatre lascars n’étaient pas en vacances mais en guerre !
Et Robert Merle de l’aborder par le petit bout de la lorgnette, celui qui est le plus proche des gens. En observateur, il essaye de comprendre le pourquoi de cette guerre, de ce carnage inutile. En entrant dans l’Histoire par le côté désuet des faits et gestes quotidiens que les soldats devaient accomplir pour manger un bout, se réchauffer, trouver où dormir et créer du lien social pour tenir le coup, l’auteur souligne aussi l’absurdité de la guerre, la petitesse des actes de bravoure et les lâchetés qui émaillaient ces jours de repli, de fuite, de manque de moyens et de perte d’illusions.
J’ai aimé cette approche de l’auteur soulignant les nombreux temps morts qui ponctuaient la vie des combattants de Dunkerque. Leur immobilité frisant l’insouciance qui n’était due, en fait, qu’à un manque d’anticipation de l’ingénierie de guerre, un manque de moyens, une logistique qui, déjà, ne suit plus, une force militaire dépassée par les événements. C’est donc davantage le vide que la bravoure que raconte Robert Merle. Ecrire de cette façon, en 1949, alors que la France était victorieuse et distribuait ses médailles a dû s’appuyer sur une certaine force morale chez l’auteur. Il récidivera, par ailleurs quelques années plus tard, en écrivant un roman coup de poing, « La mort est mon métier » où il prend pour personnage central un officier allemand nazi qui aura la conviction de bien faire en s’engageant entièrement au service de la destruction totale des juifs. Sans jamais se faire le chantre de la guerre, des violences et des revendications suprématistes des uns ou des autres, à travers la gouaillerie de Julien Maillat dans ce roman comme à travers la rigidité de Rudolf Lang dans « La mort est mon métier », Robert Merle soulignera la petitesse, l’étroitesse de vue dans laquelle la guerre enferme ses combattants. Un Goncourt qui peut encore se lire aujourd’hui, sans aucun doute !