Dans tous les sens
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Comme pour les cinq volumes précédents, aucune légende ne vient parasiter l’hymne à la bêtise constituée par ce What the Final Fuck! Il faut dire que si les volumes de la série se suivent et se ressemblent, la bêtise aussi. J’ai failli écrire la bêtise humaine, mais c’est un pléonasme, et les animaux qui figurent dans ces quatre cents pages sont plus souvent victimes ou objets de la stupidité des bipèdes sans plumes : ces chevaux ne se sont pas mis des cornes de licorne postiches tout seuls. Certes, cette petite fille en manteau à carreaux rose et noir décoré de symboles de la paix n’a probablement pas davantage demandé à être photographiée tandis qu’elle tire à la mitraillette.
C’est d’ailleurs une constante dans le volume : la présence massive d’armes à feu. Sur la couverture, une souriante grand-mère aux faux airs d’Élisabeth II a le doigt sur la gâchette. Hasard ou non : parmi les clichés qu’il est possible de (très sommairement) localiser, une part non négligeable semble avoir été prise aux États-Unis et en Russie – oui, une double page est même consacrée à Vladimir Poutine. Comment What the Final Fuck! serait-il reçu dans ces contrées suréquipées en armes à feu et / ou en matériel de prise de vue ?
Probablement d’une façon assez proche de ce qui se passe en France, c’est-à-dire que quelques lecteurs curieux trouveront cette bêtise intéressante (1), tout en continuant à la pratiquer de temps en temps, chacun à sa manière et parfois délibérément ; et que les autres, ceux qui n’auront jamais entendu parler de la série What the Fuck!, ne vivront pas moins heureux.
Si je posais la question, c’est parce que parmi les photos réunies ici, très peu semblent avoir été prises à l’insu du modèle. (Je ne parle pas des images d’où est absent tout être humain.) Et lorsque les personnes photographiées ne posent pas, il est difficile de penser qu’elles aient pu ne pas s’attendre à être remarquées : quand on circule avec un cercueil sanglé sur le toit de sa voiture ou qu’on prend le métro vêtue d’un tee-shirt I love porn, il me semble qu’on peut s’attendre à attirer l’œil.
Et au final, c’est peut-être ce qu’il y a ici de plus désespérant et fascinant à la fois : se dire qu’à l’exception de quelques enfants – et encore –, la plupart des gens photographiés ici n’ont probablement pas ressenti la moindre honte, ni même vu où était le problème, eux.
(1) Pour qu’une chose soit intéressante, écrivit Flaubert, il suffit de la regarder longtemps. Dans le cas de What the Final Fuck!, environ quatre cents pages, que je recommande de regarder en faisant aussi peu de pauses que possible.
Créée
le 11 sept. 2024
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