Dans tous les sens
Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...
Par
le 1 oct. 2017
31 j'aime
8
Sur le site internet de l’éditeur, à propos du troisième volume de la série dont celui-ci est le quatrième, je lis qu’« Éditer ces images dématérialisées en les réunissant dans des ouvrages imprimés, revient à s’approprier ces clichés et à poser un acte de résistance face à la course à l’infini du Web ». C’est discutable et un peu pompeux, notamment parce que le jour où un livre comme What the Giga Super Mega Fuck! constituera un « acte de résistance » valable, cela signifiera qu’on sera plutôt tranquille en ce qui concerne les menaces.
Cela dit, il faut admettre que ces trois cent cinquante et quelque photographies ont quelque chose d’hypnotique. Disposées en vis-à-vis – et j’imagine que la composition a été pour l’auteur plus intéressante que la collecte –, elles se répondent : ainsi page de gauche un passager du métro déguisé en démon, et page de droite une statue grandeur nature de la Vierge Marie dans un bus. Certaines ont clairement quelque chose de surréaliste, et pas seulement dans le sens courant du terme. Or, Breton et les siens cherchaient à frapper le spectateur – et la majorité de ces images est frappante.
Mais la bêtise aussi est hypnotique, et de ce point de vue-là on est servi. Chaque photographie reproduite ici est, d’une façon ou d’une autre, catastrophique.
Dans le meilleur des cas, les plus légères feront dire au lecteur indulgent qu’il y a décidément des énergumènes bien loufoques sur cette planète – à l’image de cette passagère de transport en commun qui porte une feuille de chou en guise de couvre-chef. Dans le pire des cas, par exemple – attention, cela demande un effort d’imagination – cette baignoire vide accueillant un chien gris foncé manifestement mal à l’aise et une femme d’une trentaine d’années, souriante, avec sur les genoux un enfant de deux ans grand maximum, vêtue d’un pantalon blanc à motif « peace and love » et tenant à la main un fusil-mitrailleur rose, dans le pire des cas, disais-je, on se prend à penser que le jour où l’espèce humaine disparaîtra sous l’effet conjugué de la pollution des sols, du dérèglement climatique et des radiations nucléaires, cela pourrait n’être que justice.
À la vérité, comme pour le premier volume de la série, dont je fis la critique il y a déjà une paire d’années, pas mal d’images regroupées ici défient la description : soit parce que les mots tueraient tout l’effet, soit parce qu’il faudrait trois pages pour commencer à voir à quoi ça ressemble, soit tout simplement parce que c’est décourageant. Une fois que tu sais que des types fabriquent des crèches de Noël en charcuterie ou disposent les olives de leur pizza de façon à former une croix gammée, je ne crois pas qu’on puisse mourir tranquilles, Jean-Michel. Le plus tard possible, j’espère bien, oui, mais pas tranquilles.
Créée
le 9 août 2023
Critique lue 14 fois
1 j'aime
1 commentaire
Du même critique
Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...
Par
le 1 oct. 2017
31 j'aime
8
Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...
Par
le 12 nov. 2021
21 j'aime
Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...
Par
le 4 avr. 2018
21 j'aime