Les enfants, j'ai une bad news : Beigbeder vous emmerde... .
Je n'avais pas spécialement l'intention de donner mon avis sur "Windows on the World" histoire de justifier pourquoi j'ai vraiment aimé ce bouquin. Puis j'ai lu quelques critiques des romans de Beigbeder que l'on peut trouver sur ce site, des mauvaises critiques, qui m'ont donné envie d'en écrire une sous forme de coup de gueule. Oh, pas du coup de gueule de compèt', rassurez-vous. Mais quand je parle de "mauvaises critiques", ça ne veut pas dire que je trouve insupportable que l'on puisse détester un livre de Beigbeder. C'est juste que la moitié des choses que j'ai lu sont des critiques de l'auteur, et pas de ses oeuvres. En général, le hors-sujet, ça le fait moyen quoi, et sur lui on en trouve pas mal.
Je le concède, avec "Windows on the World", les repères entre la réalité, la fiction et l'autobiographie sont un poil faussés, malgré le minutieux minutage. Au début, les deux histoires qui nous sont racontées se distinguent aisément l'une de l'autre ; mais plus le temps passe, plus les discours, les vies et les lieux se confondent. Beigbeder part à New-York, sur les lieux du drame du 11 septembre, et c'est comme s'il ne faisait plus qu'un avec son personnage. Est-ce donc cela qui déplait tant dans ce livre ? Que l'on ne puisse pas le ranger dans la case "roman" ou "biographie" de sa bibliothèque, étant sans cesse à cheval entre les deux ? Cela perturbe à tel point que certains s'étonnent ou s'offusquent même que l'auteur ose parler de lui à ce point, dévoiler des bribes de son passé, des pensées intimes, des errances pas très catholiques. Faut vous réveiller les gars, Beigbeder n'a pas inventé le roman autobiographique, pas besoin de lui tirer dessus à boulets rouges. Personnellement, je trouve qu'il perpétue cette tradition de belle manière. Si vous voulez vraiment dire du mal, pointer du doigt un narcissisme et un égo démesurés, déchirer les pages d'une autobiographie qui tâche, prenez le dernier Nothomb, et je peux vous dire que la subtilité et l'esprit de Beigbeder vous manqueront très vite. Pensez-vous vraiment que notre frenchie ambitionnait simplement, lorsqu'il a posé son cul pour la première fois sur sa chaise en commençant ce livre, d'écrire sur sa petite personne ? Je le cite citant Zola : "j'accuse" ! Je dis que c'est réducteur, que c'est de la mauvaise foi, que c'est n'avoir rien compris à ce bouquin. Il ne cesse pourtant de le répéter : le sujet, c'est le 11 septembre, et l'impact que cet acte terroriste a eu sur le monde, sur un américain ou un européen lambda, sur la politique. Il aurait pu en faire une thèse chiante, il a choisi un format un peu plus passionnant.
"Windows on the World", c'est effectivement le nom du restaurant ou son personnage subit la catastrophe de plein fouet. Mais ces "fenêtres sur le monde" expriment surtout une symbolique, celle des regards. Le roman offre ainsi plusieurs regards : celui de Beigbeder, celui de Carthew, ceux de ses deux enfants. On en devine d'autres : ceux des personnages secondaires, ceux des terroristes, ceux des endoctrinés, ceux des medias, ceux des gens hypnotisés par l'image de l'avion percutant les tours, incapables de croire que la fiction a rejoint la réalité, celui de la société. On entre dans la tête de tout le monde : Beigbeder nous convie sur 300 pages à un exercice de "mondialisation psychique", ou d'ouverture d'esprit, en fait. Et le constat est amer : que ce soit notre mort, l'injustice, le destin, les idéaux auxquels nous aspirons, nous ne contrôlerons jamais rien entièrement. Il y a autant de regards sur le monde que de visions de la vie, donc que d'être humains. Il y a autant de fenêtres que de possibilités, et parfois, au lieu de choisir la meilleure, on ne peut, comme Carthew et sa famille, opter que pour la moins pire. Beigbeder, lui, s'en sort mieux que son personnage au terme de son pèlerinage new-yorkais, comme si imaginer l'horreur de l'attentat, en sentir les braises encore fumantes, lui avait redonné l'espoir et le courage qui lui manquaient. En vérité, il comprend sans doute qu'il n'y aura plus jamais de dieu, d'homme providentiel (de père ?), et qu'il faut prendre son avenir en main. Devenir un "superman" volant les deux majeurs dressés !