Ce troisième tome, intitulé de façon alléchante Xénocide et publié 5 ans après le tome 2, s'inscrit dans la directe continuité de celui-ci, en centrant encore une fois son intrigue sur la planète Lusitania, colonie de culture brésilienne où cohabitent maintenant trois espèces intelligentes : les piggies, habitants originels de la planète, les colons humains, et les doryphores réimplantés en secret par Ender. Cette planète étrange, presque coupée du reste de l'univers, n'est pas sans rappeler un huis-clos comme The Thing : la descolada, virus indispensable à la survie des piggies mais mortelle aux humains, va se révéler plus intelligente et plus tenace qu'on ne le pensait et braquer les protagonistes les uns contre les autres.
Du point de vue du style, ce troisième tome poursuit l'évolution amorcée dans le deuxième : plus de mysticisme et de réflexion, moins d'action. Seulement alors que dans le deuxième tome l'alchimie fonctionnait encore très bien, dans ce troisième tome, il faut se rendre à l'évidence, ça devient trop long. Et pourtant c'est encore captivant, les thématiques comme le rapport au divin, l'identité ou la nature de la vie sont souvent intelligemment traitées.
Souvent, mais pas toujours : il me semble que l'auteur en a fait trop avec ses histoires de philotes et d'aiùa, qui si elles ne sont pas inintéressantes me semblent prendre une place beaucoup trop grande... Idem pour la vingtaine de pages évoquant le saut dans l'hyperespace : en fait, à trop expliquer, Card finit par décrédibiliser et ridiculiser un postulat que le lecteur pouvait accepter beaucoup plus simplement, comme dans les récits d'Asimov ou les Star Wars.
On reproche également à Orson Scot Card de faire de la propagande pour sa religion mormone. Je dois avouer que jamais je n'avais vu autant de références bibliques (explicites ou implicites) dans un roman de science-fiction. Cependant il faut reconnaître une certaine objectivité : notamment au travers de l'intrigue parallèle se déroulant sur la planète (de culture chinoise) de la Voie, Card ne fait nullement une publicité gratuite pour sa religion mais tendrait plus à élaborer une réflexion sur la religion en général, sa vision est loin d'être dogmatique.
Néanmoins, malgré ces parenthèses mysticistes ou pseudo-scientifiques, et l'intrigue parallèle qui tendent à alourdir la structure du roman, il faut bien lui reconnaître que la principale qualité qui avait fait le succès des deux tomes précédents, à savoir la construction d'une trame sans failles faisant évoluer des personnages plus vrais que nature (Card excelle plus que jamais dans la maîtrise des différents points de vue des personnages), est encore présente. Si on ajoute des réflexions parfois vraiment intéressantes et originales, on obtient un roman globalement très sympathique, et c'est à louer car Orson Scott Card n'a pas choisi la facilité !