"Yawendara et la forêt des têtes-coupées" a été publié une première fois en 2005, par la maison Cornac, et la voici de retours en 2022, sous la bannière des éditions Hannenorak, dans leur collection "Sentier de portage".


Yawendara est une jeune autochtone de la communauté Wendat d'une grande innocence. du haut de ses dix ans, elle semble imperméable aux sinistres présences qui habitent la forêt autours de son village. Il incombe à sa grand-mère de fournir un tribut aux esprits, à leur chef surtout, nommé Fils-D'Areskwe. Mais cette fois-ci tourne au drame, elle est ramenée de justesse au village et est malade depuis. Yawendara s'inquiète du sort de son aïeul. Lors d'une nuit, son esprit est amené à rencontrer le Grand Conseil des animaux, en grande conversation. Des membres envoyés récupérer l'Homme-Lumière, l'être désigné pour apporter la paix alors que les esprits damnés et leur chef semaient la mort, ne sont pas revenus. D'abord le Cerf, porte-parole des animaux. Puis, Ours, associé à la santé. Puis Loup. Quand elle se fait demander pourquoi elle est présente à leur conseil, Yawendara en profite pour évoquer sa grand-mère malade. Ils sont d'avis que le retours des trois animaux disparus pourrait lui apporter un secours. Elle se propose donc pour cette quête. Armée d'une amulette éblouissante comme un petit soleil, son chien de son Shiwou et de son courage, la jeune Wendat entreprend un périlleux voyage dans une forêt maudite, où créatures viles et esprits malveillants attendent de nouvelles victimes.



À travers le récit, on comprend que Fils d'Areskwe est un ancien homme, perverti et diabolique, qui a été séduit par un autre homme. Les indices quand à sa description physique et ses croyances laissent croire que cet homme, Noirobi, est très probablement un prêtre. Monothéiste, vêtu de noir, qui pratiquait des rituels avec de l'eau sur le front, bref, ce représentant de "Dieu" a corrompu le coeur de l'homme au point de renier ses propres croyances et son propre peuple. Depuis, il est à la tête des damnés et sème la destruction. Les prêtres, on ne se le cachera pas, ont été un fléau pour les autochtones du Nord américain, dans la vraie vie. Ça ne m'étonne donc pas de le voir ici comme une sorte d'antagoniste. Aucuns noms français n'est nommé , cependant, comme "Baptême", "Catholique" ou "Prêtre", tout est sous des appellations autochtones.



Yawendara incarne l'espoir et le changement, la "pureté" ( innocence) et la chaleur. Elle est motivée par son désir sincère de sauver sa grand-mère, qui ne survivra pas au Mal qui hante la forêt. Son périple dans la forêt maudite nous fait voyager non seulement avec elle, mais aussi avec divers figures mythologiques, comme Ours, qui incarne la Médecine ( Guérison) ou L'homme-Lumière, qui incarne la Création originelle. Quand on apprend que même Shiwou est un esprit, celui du "Meilleur ami de l'homme", ça m'a fait sourire. Un avis partagé par plusieurs nations dans le monde à propos des chiens, n'est-ce pas?



La malédiction qui gangrène la forêt m'a évoqué la pollution et même les OGM. Des fruits qui changent d'apparence, des saisons malmenées, une terre inhospitalière et dangereuse où les plantes étouffent et les animaux se cachent. Une foret angoissante, résultat du déséquilibre chez les humains comme chez les esprits. Comme ci le cercle de la vie était stoppé ou ralenti.



C'est un récit de courage, mais également un récit sur la force requise pour tendre vers l'avenir, de surmonter nos erreurs et aller de l'avant. Une chose qui n'est pas aisé, surtout quand l'erreur commise a eu de fâcheuses conséquences. J'ai beaucoup aimé le fait que c'est Yawendara qui est le vecteur de changement. L'avenir repose bien plus souvent entre les mains de notre Jeunesse qu'on veut bien le croire. Aussi, c'est une immersion fascinante dans les croyances Wendat, où la Nature est omniprésente, où la collaboration entre les divers espèces est évidente et où l'Homme est une partie d'un Grand Tout, et non l'arrogant animal tout-puissant des croyances monothéistes.



Côté écriture, il y a un bonne présente de termes autochtones, répertoriés à la fin dans un glossaire, que ce soit le nom des fruits, les constellations ou les noms des esprits. le français est International, il n'y a pas de joual et pas vraiment d'expressions québecoises, c'est donc à la porté de tous les francophones.



Un beau petit roman très intéressant, avec une atmosphère sinistre qui rappelle les romans d'épouvante, mais avec une magie qui tient de la mythologie Wendat. C'est dans une forêt mystérieuse, où nous sommes appelés à découvrir progressivement le sort d'un Homme déchu, devenu créature ténébreuse, qui a tenu en échec trois des Esprits animaux les plus puissants, mais qui sera finalement secouru par la bonté et le pardon d'une petite fille courageuse et altruiste.



Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.

Shaynning

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