Yes
Yes

livre de Dominique Dupuis (2023)

S’il y a bien un groupe pour lequel la superbe collection de « beaux livres » qu’est « Cover » (aux Editions du Layeur) semblait totalement appropriée, c’est évidemment Yes : le travail réalisé pour les pochettes de leurs disques par le fidèle Roger Dean, peut-être plus encore que celui des studios Hypgnosis pour le Pink Floyd, mérite totalement d’être mis à la disposition, dans un format respectueux de sa qualité, de tous ceux qui n’ont pas forcément une passion pour Yes justifiant l’achat de tous leurs albums !

Yes ! Oui Yes ! Yes est l’un des groupes fondateurs du prog rock dans les années 70, avec des collègues et concurrents aussi prestigieux que Genesis, Pink Floyd, ELP, King Crimson (sans même parler de Van Der Graaf Generator, groupe plus singulier, et peut-être plus intéressant encore que ceux énumérés ici…). Avec la trilogie Fragile / Close To The Edge / Yessongs, entre 1971 et 1973, Yes dépassa même le reste du peloton, avant de s’abimer dans la démesure (Tales From Topographic Oceans), puis de perdre beaucoup de son âme dans la recherche d’une pop rock lisse et très commerciale (Owner of a Lonely Heart, inoubliable scie de 1983), mais surtout de s’égarer au fil d’interminables querelles d’égo entre ses musiciens. Et tout cela constitue une histoire fort compliquée, qui n’est d’ailleurs pas terminée, et que Dominique Dupuis, le très respectable et respecté auteur de diverses monographies de groupes, grand passionné de Rock Progressif devant l’éternel, nous conte ici avec une patience admirable au long de 368 pages remplies non seulement de belles images, mais aussi d’informations passionnantes comme d’avis éclairés sur la totalité des albums de Yes, comme de ses musiciens dans leurs carrières parallèles.

Pour ceux qui, comme nous, ont lâché définitivement l’affaire en 1973, au même moment où Bowie, Lou Reed, Iggy Pop et d’autres devenaient populaires et donnaient un sacré coup de vieux aux rockers chevelus du Prog Rock, la lecture de Yes est un choc : nous sommes totalement passés à côté de ces incroyables péripéties qui ont jalonné les décennies de carrière du groupe, de ces allers et retours incessants de musiciens talentueux qui semblent a posteriori avoir gâché énormément de temps à se jalouser, se fâcher, se détester, se réconcilier, au lieu de faire de la musique ensemble… Même si Dupuis nous garantit que, dans quasiment tous leurs albums, on peut trouver des restes, des résurgences de leur génie du début des années 70 ! Il est quand même difficile de ne pas rester ébahis devant l’existence d’un album comme Union (1991), où deux groupes concurrents affirmant chacun être Yes ont fini, suite à des manœuvres crapuleuses de leur management, par réaliser un album « en commun »… alors que la production a en fait remplacé les parties de certains par des réenregistrements effectués par des requins de studio !!! Le genre d’histoire absurde qui montre combien le monde de la musique avait perdu les pédales en ces années d’opulence où l’attrait du gain justifiait tout et n’importe quoi !

On trouvera inévitablement moins intéressante la très riche (et trop longue ?) partie du livre consacrées aux œuvres séparées des musiciens, en solo ou regroupés, mais la liste en elle-même donne le tournis : Anderson Bruford Wakeman Howe, Anderson Rabin Wakeman, Jon Anderson en solo, Jon and Vangelis, Anderson – Ponty Band, Chris Squire en solo, Conspiracy, The Syn, Squackett, Bill Bruford en solo, Bill Bruford avec King Crimson, UK, Moraz / Bruford, Peter Banks en solo, Flash, Tony Kaye en solo, Steve Howe en solo, Tomorrow, ASIA, GTR, Alan White en solo, Rick Wakeman en solo, Patrick Moraz, Geoff Downed, Trevor Horn !

Bref, voici un superbe livre, un véritable labyrinthe pour collectionneurs complétistes obsessionnels, illuminé par les dessins fantastiques de Roger Dean. Une sorte de MUST !

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/12/22/essai-yes-de-dominique-dupuis-oui/

EricDebarnot
8
Écrit par

Créée

le 22 déc. 2023

Critique lue 61 fois

2 j'aime

12 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 61 fois

2
12

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25