Qui mieux qu'un médecin légiste pour s'exprimer sur les morts-vivants, qui plus est quand le coroner en question dirige par ailleurs la collection Terre Humaine ? Personne, sans doute. Laissant sa blouse à la morgue et son costume dans les locaux des éditions Plon, Philippe Charlier s'est rendu en Haïti où, fidèle aux habitudes de sa prestigieuse collection, il se met en scène dans un récit à la première personne pour mener dans leur patrie d'origine une enquête sur les zombis. Là, entre conversations avec des prêtes vaudou et des victimes de leurs sortilèges, déambulations dans les allées de cimetières et de bibliothèques, études de produits neurotoxiques et d'incantations, entretiens avec des avocats et des scientifiques, il parcourt l'île d'un bout à l'autre et cherche à comprendre le phénomène de zombification, "l’anéantissement d’une vie active, remplacée par la survie d’un être privé de tout pouvoir de décision".
Oubliez les films d'horreurs et leurs incontournables mains crispées qui surgissent des tombes fraîches, Zombi est un essai d'anthropologie. Il invite à poser un regard médical sur les morts-vivants, ces êtres entre deux mondes, et interroge sur la capacité d'un scientifique à lire au-delà du visible. Même si "certains universitaires nord-américains, assez facétieux, se sont servis de ce mot comme d’une figure de style pour étudier sur le plan neurologique les altérations liées aux états de faible conscience ou de mort cérébrale", les études sérieuses sur les zombis semblent rares et l'auteur entend combler cette lacune. Mais il y a sans doute une raison à la faible littérature sur le sujet : les secrets haïtiens sont difficiles à percer et, malgré sa pugnacité, un étranger, fût-il Philippe Charlier, ne pourra jamais voir que ce que l'on veut bien lui montrer - peu de choses. Ainsi, s'il échafaude d'intéressantes théories sur la vengeance et la justice comme vrais nerfs de la zombification, et s'il expose le contexte, principalement le poids de l'esclavage, l'omniprésence de la religion et la force de la superstition, avec beaucoup de soin, l'enquêteur ne parvient donc qu'à effleurer la vérité. Les recettes de la zombifications conserveront leurs mystères, de même que les raisons pour lesquelles certains individus se retrouvent privés de toute volonté et transformés en véritables esclaves jusqu’à leur authentique décès.
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