Un jour le diable vint sur Terre, ou la géopolitique selon Brel

1954. Dans l’indifférence générale, un Jacques Brel de 24 ans entonne ses premières créations à Paris. Juliette Gréco écoute et apprécie. Le jeune compositeur lui offre Le Diable, qu’elle interprète avec succès. Une surprenante chanson, en quatre temps. Un long prologue décrit le séjour d’étude et d’inspection du diable sur Terre. C’est un démon enjoué qui redescend aux enfers et se met à chanter. Dans le troisième et dernier couplet, le ton se fait menaçant.

L’Europe sort de deux guerres civiles. Brel est lucide, l’homme excelle dans l’art de l’autodestruction.
Les hommes s’amusent comme des fous
Au dangereux jeu de la guerre
Ça va
Les trains déraillent avec fracas
Parce que des gars pleins d’idéal
Mettent des bombes sur les voies
Ça fait des morts originales

Mais, le grand Jacques se fait aussi prophète. L’Europe aspire à la paix, elle l’aura. Mais, le diable n’y perdra pas nécessairement au change.
Les États se muent en cachette
En anonymes sociétés
Ça va
Les grands s’arrachent les dollars
Venus du pays des enfants
L’Europe répète l’Avare
Dans un décor de mil neuf cent
Ça fait des morts d’inanition
Et l’inanition des nations

Deux vers me fascinent. On ne serait mieux décrire l’évolution de nos démocraties libérales. Les États se muent en cachette
En anonymes sociétés.

Ça va !
Dixit le diable.
Pas sûr.

https ://www.youtube.com/watch ?v=TasfaJRD4c8