" Ne plus parler qu'à son silence "
Ce n'est pas au hasard que dans la dernière édition des Marquises, le dernier album de Brel, Avec élégance et Sans exigences sont à la suite. Les deux chansons sont intégralement complémentaires. Avec élégance, c'est l'histoire d'un homme qui peut avoir vécu la même chose que dans la chanson précédente, mais qui en a peur. Il en a peur, alors, il le cache, il se construit cet image d'élégant, de fier, de froid, sans se rendre compte qu'au final, ce qu'il a vécu peut très bien être banal.
Avec élégance, ce n'est pas une énumération de paradoxes. C'est, je pense, une sorte d'idéal de la vieillesse. Une vieillesse qui n'a plus rien à perdre, qui n'a rien à attendre, qui est calme et posée en attendant la mort, et qui fait en sorte de n'avoir plus rien à regretter. Le ton quelque peu tragique de Brel accentue bien les contraires dans chaque vers (" Se sentir quelque peu romain / Mais au temps de la décadence ") et légitime tous ces " mais " avec tout ce qu'ils impliquent. Il y a dans les refrains une hésitation qui marque une longue coupure (" être désespéré / mais avec élégance ") comme pour le temps de se rendre compte, de se remettre en question avec la fin, pour au final, se rattraper et, dans un élan de vieillesse, être désespéré mais avec espérance.