Connaissant déjà, grâce aux excellents et éclectiques goûts musicaux maternels, auxquels je suis redevable d'une grande partie des miens, le titre original de 1983, issu de l'album Synchronicity de The Police ; cette chanson, comme bon nombre d'oeuvres des années '80, marqua ma période d'enfance. Sting ayant récemment (2019) sorti un disque dans lequel il reprend ses propres titres, ou certains de ceux de l'époque de The Police, je n'ai pas hésité un instant avant d'acquérir le CD. S'y retrouvent aussi, entre autres, Can't Stand Losing You, Fields of Gold, So Lonely, Roxanne, Walking on the Moon, Englishman in New York, ou encore la sublime Shape of my heart.
Un artiste accompli et ne pouvant plus être remis en question dans son art se définit selon deux critères :
- avoir crée une oeuvre intemporelle, universelle, traitant d'un sujet important et au message d'une puissance qui ne s'affaiblit jamais
- savoir réinventer ses propres créations, les remettre sur table, en leur donnant un nouveau souffle tout en conservant leur identité originale
Sting fait indéniablement partie de ces gens-là.
Every Breath You Take est la chanson des lancinantes souffrances amoureuses. Beaucoup d'amateurs ou d'auditeurs mal renseignés sont persuadés, à tort, erreur renforcée par l'usage fait de la chanson par certaines séries très populaires, qu'elle incarne un amour accompli, heureux, exaltant. Il n'en est rien. Cherchez donc la traduction des paroles.
C'est plutôt l'histoire malheureuse d'un mec quitté par celle qu'il aime. Plus désemparé que jamais, il n'arrive pas à accepter cette séparation insoutenable. La douleur et l'obsession l'envahissent, s'emparent de ses pensées, dictent chacune de ses préoccupations. Le fantôme de son amour perdu le hante, jour comme nuit. Il ne conçoit pas sa vie sans elle.
Ainsi, le quitté cherche, par tous les moyens possibles, à retrouver cette part de lui qui s'en est allée. Il veut absolument tout savoir de ce qu'elle fait, ressent, vit. Il sent qu'elle lui échappe sans cesse un peu plus, mais ne parvient pas à se détacher de sa déception sentimentale. La laisser vivre autre chose que leur histoire, reprendre son indépendance, c'est au final l'abandonner, renoncer à ce qui monopolise momentanément sa vie. Il perd pied, se rend compte que le plus important de son existence s'efface.
Cette souffrance psychologique, inéluctable, se traduit par une musique posée, calme, presque lente, mais tout autant d'une intensité remarquable. Elle n'évoque pas le sentiment enchanté et partagé, mais la douleur désespérée d'un aimant brusquement esseulé. Les cordes, qui ajoutent leur contribution à la composition principale, subliment tout simplement l'ensemble, formant une mélodie poignante, saisissante, transcendante.
Le moment le plus énergique de la chanson ne souligne pas la force de l'amour et l'explosion de sensations qui découlent d'un baiser. C'est bien davantage une parfaite démonstration de ce que la peine, la tristesse, la souffrance, le calvaire émotionnel font, dans la tête et le coeur d'un malheureux, lorsqu'ils atteignent leur paroxysme. Cela n'a rien de réjouissant, mais conserve néamoins une certaine beauté.
Il est sans doute difficile de comprendre et ressentir le véritable sens d'Every Breath You Take, tant que nous ne vivons pas la même déconvenue que le narrateur.
Depuis quelques jours, faisant partie de ces âmes abattues, infortunées d'amour, injustement laissées seules dans leur affliction, j'ai, mieux que jamais, perçu le véritable message d'une pure merveille auditive. Celle-ci appartient à ces oeuvres s'imposant pour décrire la peine amoureuse, de la plus sublime des manières.