Chers paroliers français,

On a inventé l'adjectif photogénique pour parler des gens qui passent bien sur le papier. C'est comme ça : pour eux, ça marche, et pour d'autres, ça ne marche pas. Et ce n'est même pas une question de beauté. Notre langue française, elle, voilà, osons-le : elle a beau être très belle, elle a un peu de mal à être musicogénique. Et je pense que ce n'est pas seulement parce que nous la comprenons parfaitement qu'elle ne sonne pas très bien, c'est aussi une question de sonorité.
Je suis aussi désemparée que vous par cet inconvénient, je ne relève pas le défi d'écrire une chanson française, et je n'ai pas de conseils à vous donner. Mais je crois que quelqu'un a quelque chose à vous dire, si vous voulez bien l'écouter.

http://www.youtube.com/watch?v=jgMu2Acxecw

Ce qu'il y a de particulièrement génial, dans cette chanson, ce sont toutes les petites imprécisions dans la langue, complètement assumées par la sauvage Siouxsie Sioux. Parler parfaitement français, elle n'en a que foutre, et elle a raison. Oui, "chansons tous son avénément", à notre langue française qui sonne enfin bien. Pourquoi s'obstiner à prononcer les mots comme ils sont, si leur façon d'être n'est pas assez musicale ? Il faut accepter l'approximation. Et ça ne signifie même pas un abandon du sens.
Pour Siouxsie, "chantons tous", c'est probablement laid, deux "t" d'affilée, ça fait mitraillette, on sort de la magie de Noël, tandis que "chansons tous" est plus séducteur, serpentin.
Quant au chiffre "quatre", une fois que vous le lui avez entendu dit "quater", vous ne pouvez que trouver qu'il est une abomination. Oui, dans la vie quotidienne, c'est plus pratique, "quatre", c'est toujours une syllabe en moins. Mais il ne faudrait pas que la flemme de prononcer des mots laborieux nous éloigne de toute beauté ! Alors quand Siouxsie dérape vers un mélodique "depouis plus de quater mirons", moi j'ai comme une envie de voter pour elle aux prochaines présidentielles. Même si nos ministres seraient probablement des drogués qui n'arrivent même plus à taper dans une cymbale.

Sauvagement,
2728XX