Ça m'a prit au moins un an avant de suggérer la chanson sur les médias sociaux. Pour une bonne raison à mes yeux. Je l'avoue, je ne voulais pas que mon père tombe dessus. Voilà, c'est dit! Lorsque ma mère vivait encore, on voyait bien que ce couple ne faisait qu'un. Mon père et ma mère formaient visiblement les deux parties d'un coeur. Bref, lorsqu'elle est partie, bah heu, ça n'allait pas. Tu essaieras de bien fonctionner avec la moitié de ton corps, si t'es si fin ! C'est de cette manière que je voyais mon père. La moitié de lui-même...
Avoir dirigé mon paternel vers cette pièce à ce moment, aurait été déplacé, je crois. Pas par mauvaise intention, simplement, j'avais peur d'enfoncer le clou dans la plaie. Parce qu'elle fait mal la saloperie de chanson. Pierre Lapointe y met tellement d'authenticité dans sa manière de l'interpréter qu'on y croit, on ressent l'ennui et la certitude que sa place n'est nulle part ailleurs que dans les bras de l'être aimé. On n'en doute pas une seconde! Le texte est fort, l'ambiance maussade, le fond rempli de tristesse et de mélancolie. Le piano, toujours aussi pertinent, vient appuyer cette toile tissée de main de maître. Alors aller planter cette pièce sous le nez d'un coeur brisé, autant lui foutre votre poing dans la gueule et un coup de bâton dans le dos, histoire de le finir comme il se doit. C'est pour ça que je ne l'ai pas fait, papa. Pour t'épargner...
Maintenant, c'est une autre histoire. Ça fait toujours aussi mal mais on survit. Et je ne sais pas par quel putain de hasard ou de magie, je sais exactement où il est émotionnellement. Comme lié par une empathie hors norme. Je comprends parfaitement ce qu'il vit, ressent, je suis presque dans sa tête. C'est fort non? Donc, je sentais maintenant qu'il était prêt à entendre " Je déteste ma vie " sans sombrer. Plutôt, il s'est senti compris. Enfin! Quelqu'un mettait en mots ce qu'il vivait intérieurement. Alors quelqu'un sur cette terre avait su comprendre cet ennui épuisant qui pèse sur la personne endeuillée. " ...c'est long, ma vie, sans toi...". Lancée comme une longue plainte, comme pour tourner le fer dans la plaie...
Une belle chanson. Quelque chose de sérieux, de puissant même si la toile de fond est épurée au possible, ( Piano. Point.) et la voix plaintive et sincère de l'auteur ferme la boucle de la mélanco- nostalgie.
Elle était donc pour toi, papa, cette critique. Parce que je sais ce que c'est. Parce que je le ressens à ta place. Parce que je sais où tu es dans ta vie émotionelle . Je sais à quel point elle te manque ta douce moitié ( et c'est peu dire...) et que tu déteste le sort qui a été jeté. Je le savais déjà quand j'ai entendu cette chanson qu'un jour, tu serais prêt à l'encaisser. C'est triste, oui, mais au moins, maintenant, ça en fait deux qui te comprennent réellement dans cette chienne de vie, parfois...
Je t'aime. Et crois-moi, je te comprends TELLEMENT....
P.S À voir aussi, chantée par une femme, à la voix éraillée...
https://youtu.be/U5G-ikhB3Bc