Analyse historique et sociologique: L'évolution de la figure de l'homme idéal au cours du temps

En 2016, le visage de l'homme idéal moderne correspond-il toujours au profil dressé par Diam's il y a dix ans? Comment la chanson "Jeune demoiselle" serait-elle perçue si elle sortait aujourd'hui?
Une enquête de fond menée par un bouledogue rageux.

C'est toujours amusant de replacer les oeuvres dans leur contexte: "Jeune demoiselle", single phare de l'année 2006, constitue un des exemples les plus cocasses de ce phénomène.
2006, pour vous situer, c'est l'année de Bébé Lilly et son Allo Papy; de Magic System (toujours présent) avec son C cho ça brûle; de Crazy Frog et de son massacre de la chanson de Queen We Are The Champions; l'année aussi des incompréhensibles tubes Holly Dolly et Façon Sex.
2006, c'est également les débuts de l'impressionnant phénomène de mode de la tecktonik chez les pubères; c'est un an avant l'explosion de Fatal Bazooka et Yelle avec son Je veux te voir (3.9 de moyenne sur SC, il faudra qu'on m'explique).

2006, c'est donc l'année de sortie du troisième album de Diam's, "Dans ma bulle", album qu'elle reniera elle-même plus tard en le jugeant trop commercial.
Il est vrai qu'au premier abord, "Jeune demoiselle" peut apparaître comme le summum du superficiel, une vile exploitation de la société de consommation: le tube traite du sujet vu et revu de l'"homme parfait" et bombarde de références à la pop culture pour forcer l'identification.
Pourtant, le portrait du prince charmant 2.0 dressé par Diam's relève d'un intérêt singulier quand on constate à quel point les références jugées "actuelles" en 2006 semblent ironiques voire désuètes dix ans plus tard. Voyez plutôt:
- "Un mec qui pourrait me donner des ailes"
Le Redbull, c'est fait pour ça, ma chérie.
- "Un mec qui rêve de famille et de toucher le ciel"
Charmante métaphore, "toucher le ciel" mais on n'hésiterait pas, de nos jours, à être plus explicite.
- "Dans mes rêves, mon mec m'enlève et m'emmène"
"Les propos de la victime sont contradictoires, messieurs les jurés: d'un côté elle prétend que l'accusé l'a enlevée de force, et de l'autre, qu'il l'a emmenée avec son consentement."
- "Si t'as les critères babe, laisse-moi ton e-mail."
Ah! La vieille époque où MSN régnait en maître sur les moyens de communication. En 2016, on dirait: "donne-moi, ton fb, ton insta, ton snap, ton twitter" (et ton SC, éventuellement).
- "Quand il m'écrit des lettres il a la plume de Booba"
Ça donnerait quoi, du coup? "[Chère Diam's], jolie gueule, joli boule, toi et wam ce serait cool."
Le pire dans l'affaire, c'est que Booba a l'air d'effectivement correspondre aux critères de la demoiselle: il "aime les formes de J-Lo" (dixit lui-même: "j'aime les gros derrières, la faute à J-Lo") et "a le torse de D'Angelo". En plus, il a déjà dit "poulette, ton boule, c'est de la boulette" et Diam's, la boulette, ça lui parle.
- "Mon mec regarde Scarface, Les Affranchis, Casino mais aussi Friends, Lost et Les Sopranos"
Du coup, c'est gênant, j'ai l'impression que Diam's et moi avons précisément les mêmes goûts.
- "Et peu importe qu'il se ballade en Porsche"
Non, c'est sûr qu'on ne va pas se plaindre.
- "Mon mec fait mal au crâne, il a le calme de Zidane"
Ça, c'est le bouquet final. Pour comprendre à quel point ce petit bout de phrase représente le parangon de l'ironie, il faut se dire que "Dans ma bulle" est sorti en février 2006, soit quelques mois seulement avant que Zidane sorte son fameux coup de boule en finale de coupe du monde. Autant dire que la Diam's a dû bien rigoler en constatant que son cher Zidane n'incarnait certes pas le calme personnifié, mais qu'au moins, il faisait effectivement "mal au crâne".