Jacques Chirac s'en est allé, mais sans "le bruit et l'odeur", qui pour moi reste une tache indélébile dans son parcours.
En ces jours de deuil national, peu de place à une présentation équilibrée du parcours du bonhomme. On me dira que c'est légitime, que ce n'est pas le moment, mais tout de même. Si Jacques Chirac était semble-t-il quelqu'un de sympathique, de plus proche des gens que ses successeurs, si son parcours est marqué aussi par de beaux discours, notamment celui de 1995 sur la rafle du Vel d'hiv et la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs, il n'en reste pas moins que ce président traîne aussi de nombreuses casseroles.
Et il me semble, alors que la présentation qu'on nous en fait ces jours-ci ressemble à de l'hagiographie, alors qu'on nous demande de faire une minute de silence dans les écoles, il me semble qu'il faut aussi dire ce qui pose problème dans son parcours. On n'a pas à se recueillir parce que c'est un président de la République, nous ne lui devons rien, c'est lui qui nous doit d'avoir été élu, c'est lui, comme tous les autres élus, c'est lui qui nous doit des comptes et, si tout n'est pas négatif, il y a aussi de nombreux éléments qui posent problème, et il est à mon avis inacceptable de les masquer.
Le discours de 1991 sur le bruit et l'odeur, alors qu'il n'était, bien heureusement, pas encore président, est néanmoins gravissime dans la bouche d'un homme politique qui avait déjà exercé de nombreuses responsabilités. Quand on est un homme public, on se doit de maîtriser ses propos, et ce discours où il évoque, entre autres, le Bruit et l'odeur, est indigne d'un responsable politique.
Je vous en mets un extrait comprenant l'argumentation développée par Chirac, et pas seulement la petite phrase sur le bruit et l'odeur : https://www.youtube.com/watch?v=4BxaVdu0hqU
Le groupe Zebda, choqué par ces propos, décidait en d'en faire une chanson, qui parait en 1995. Il y a des choses qu'on ne peut laisser passer, il faut réagir. Le morceau n'est pas excellent, il n'est pas exempt de quelques maladresses mais il a le mérite de pointer les propos de Jacques Chirac.
Dans le refrain, on ajoute au bruit et à l'odeur "le bruit du marteau-piqueur", on nous explique ensuite que les immigrés construisent nos villes mais n'y habitent pas, et sont logés dans des "ghettos", et peut-être même que ces ouvriers du bâtiment vivent avec des bourdonnements dans les oreilles jusqu'à la fin de leurs jours. Dans cette chanson, on évoque l'absence d'égalité, la relégation, et ce discours de haine, qui sont inacceptables. J'aime bien la référence à Montecassino, dont on ne parle jamais, mais où des tirailleurs africains ont combattu vaillamment pour la France.
Le morceau, qui se termine par les propos de Jacques Chirac, peut être entendu ici : https://www.youtube.com/watch?v=Fh2otDHTo68
Je sais que c'est le temps du deuil et de la mémoire, mais il faut être honnête avec le passé, face aux paroles et actions de nos hommes politiques, on doit privilégier un devoir d'histoire.