Outside
7.9
Outside

Morceau de George Michael (1998)

En 1998, la carrière de George Michael est entachée par un scandale à la portée retentissante : il se serait fait surprendre dans des toilettes publics, à Los Angeles, en train de pratiquer une fellation. Il est donc évidemment arrêté par la police. Un coup d’éclat qui le contraint à l’époque, cerise sur le gâteau, à faire officiellement son coming out. Même si bon, hein, rien qu’à voir les clips de Wham quinze ans auparavant, il y avait déjà de quoi être convaincu de l’aspect très gay friendly de la chose.

Sans doute un tantinet agacé par ce coup de projecteur sur sa vie privée, George ne se laisse pas démonter et entreprend de se venger… Musicalement. Parce que lui aussi, il sait tâter de la matraque, non mais oh ! “Outside” sera son prochain single (on le retrouvera l’année suivante sur le best of “Ladies and Gentlemen”), et conclura cette triste histoire avec une ironie suffisante pour que l’honneur soit sauf. Le titre est, tout d’abord, quasi-indissociable de son clip, où le chanteur, déguisé en flic américain, regarde la caméra d’un oeil torve, prononce des phrases sans équivoque d’une voix grave et sensuelle et, must du must, s’essaye - bien entouré - à une chorégraphie lascive dans un nightclub aux murs tapissés d’urinoirs. Subtile évocation de l’affaire. On y voit également, à plusieurs reprises, nos chers amis policiers se toucher et se rouler des pelles, juste par pur esprit de provoc’. A moins que... .

Orientée dans la même veine pop / dance que les excellentes “Fastlove” et “Freedom 90”, “Outside” est une chanson propre à vous faire bouger et réfléchir en même temps, quand on s’intéresse un peu aux paroles. On y découvre un George Michael qui, le filou, tente de se justifier en nous prenant tous à témoin, inversant quelque peu les rôles par rapport à ce qu’il a subi. A tous ceux qui ont dû lui baver dessus en le traitant de tordu et de vicelard (relation sexuelle dans un lieu public, vous imaginez !), il répond simplement “I think I’m done with the sofa” (“je crois que j’en avais assez du sofa”), décliné ensuite avec le hall et la table de la cuisine, mais bon, on a compris l’idée, George en avait tout simplement marre des plans cul trop plan-plan, justement, alors il a voulu mettre un peu de piment dans tout ça et pas de bol, il s’est fait gauler. En filigrane, le texte va plus loin que la simple anecdote, rétablissant le lien entre l’homme civilisé et sa nature animale, pulsionnelle, que la société et ses carcans se plaisent volontiers à effacer, à cloisonner, à condamner, surtout lorsqu’il s’agit d’homosexualité. “There’s nothing here but flesh and bone”… Oui, il y a quelques milliers d’années, nous étions tous des singes qui forniquaient au milieu des bois, alors tâchons, s’il vous plaît, de ne pas l’oublier avant de juger ! L’artiste fait preuve d’un cynisme salvateur lorsqu’il convoque carrément la médecine pour qu’elle le soigne de son affreuse perversité… Ou pas (“Doctor won’t you do with me what you can ? / You see I think about it all the time / Twenty-four-seven…). Salvateur, surtout quand on sait qu’il y a quelques décennies, on pensait pouvoir “guérir” un homo en l’envoyant à l’asile.

On aura bien compris qu’au fond, George Michael ne plaide pas ici uniquement pour une vague tolérance ou pour une forme de compassion appliquée à son propre cas, mais bien pour une libération des moeurs, souhaitant que sa mésaventure serve d’électrochoc pour tous les homosexuels qui, comme lui, n’osaient pas, jusque-là, revendiquer ou afficher leur différence. Ce “let’s go outside” qu’il répète dans les couplets ne se réduit donc pas à une invitation à s’affranchir de la routine sexuelle ; il exhorte en réalité la communauté gay à s’afficher au grand jour, malgré la peur du regard des autres (“I know you want to but you can’t say yes…”). Finalement, “Outside”, c’est la chanson d’un type qui peut enfin assumer ce qu’il est aux yeux du monde, au point d’être capable de le tourner en dérision, car il a su trouver une fin heureuse à une épreuve humiliante. L’obstacle est à présent franchi. D’ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais George, il est taquin jusqu’au bout : son “keep on funking”, quand il le chante, on jurerait qu’il prononce un autre mot.
Psychedeclic
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le 15 août 2014

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