Nietzsche ne s’y était pas trompé, surnommant Wagner « l’Orphée des misères domestiques » ! La Walkyrie est une épopée sur le malheur conjugal, les grandeurs et servitudes de l’adultère. La chevauchée en casque et bouclier, la lance et la corne d’hydromel, c’est pour la frime mythologique. L’essentiel se joue entre quatre couples. Deux sont légitimes – Hunding et madame (Sieglinde), Wotan et bobonne (Fricka) ; deux autres, illégaux et immoraux : les jumeaux Sieglinde et Siegmund, le père et sa fille (Wotan et Brünnhilde). Dans les ménages légaux, le torchon brûle, tandis que les couples incestueux filent le parfait amour. Le finale ne sauve la morale qu’in extremis, à grand renfort d’hypnose et d’incendie. Le maître dirige cet ensemble sur le fil du rasoir, entre drame intimiste et péplum cosmique, entre musique de chambre et guerre du feu orchestrale. Dominée par la Walkyrie passionnée et le Siegmund guerrier, la composition joue le jeu de l’ambiguïté mi-dieu mi-humain. C’est dire si cette Walkyrie a bien évidemment la pêche.