Les champs de fraises et mourir
A la fin de l'année 1966, les Beatles prennent sans doute la décision la plus importante de leur jeune carrière ; lassés des simulacres de concert qu'ils doivent honorés à travers le monde et notablement courroucés par la tournure rocambolesque des tournées Japonaises et Philippines, ceux-ci décident d'abandonner définitivement l'idée de se produire en public. Ainsi libérés de leurs obligations contractuelles chronophages, les jeunes musiciens peuvent dés lors se concentrer complètement sur la création et passeront dorénavant le plus clair de leur temps dans leur sanctuaire de Abbey Road, laissant libre cours à leurs ambitions musicales insensées. "Strawberry Fields Forever" est la première chanson résultant de ce nouvel état de fait, c'est également la pierre angulaire d'une fastueuse seconde moitié de carrière jalonnée d'audaces musicales et d'inventions en tous genres. Inspiré par le souvenir d'un parc de Liverpool cher à John Lennon (Strawberry Field), le titre fait la part belle à l'enfance et à l'introspection au travers d'une kyrielle d'instruments aussi exotiques qu'inattendus, du sitar au fameux mellotron sur lequel s'ouvre le morceau. Le tout savamment orchestré par un George Martin au sommet de son art. Un mois de travail et d'expérimentations furent nécessaires pour mettre au point cette cathédrale sonore, du jamais vu chez les Beatles. A la fois fascinant, enchanteur, mélancolique, cryptique, mélodieux, magique, onirique, "Strawberry Fields Forever" est la bascule qui fait entrer le groupe dans une autre dimension, définitivement hors d'atteinte de toute concurrence.