The Brainwasher
6.3
The Brainwasher

Morceau de Daft Punk (2005)

Première critique d’un titre electro. J’ai choisi. Qui ? Daft Punk. Histoire d’être original ! Quoi ? "The brainwasher". Tiens, là ça devient intéressant. Un peu. Parce que bon, pour un baptême du feu, j’aurais pu opter pour un tube, genre "Harder, better, faster, stronger" ou la surrégurgitée "One more time" ; j’aurais pu explorer "Discovery" ou me pencher sur "Homework", mais j’ai préféré mettre l’accent sur un album qui a reçu des avis un peu moins unanimes, sur un morceau qui, à la base, peut paraître anecdotique, anonyme, voire pénible aux oreilles de certains. Mais je me demande si ce n’est pas justement cette faiblesse qui fait sa force.
Je ne pense pas que l’on puisse affirmer que "Human After All" soit un disque qui dénonce véritablement les dangers d’une technologie qui prendrait l’ascendant sur son créateur. Non, il ne dénonce pas, n’accuse personne ; c’est davantage un constat auquel nous avons affaire, une sorte d’état des lieux parfois ironique de la société actuelle, où le duo casqué semble s’amuser du fait que les rapports, les frontières entre l’homme et la machine sont de plus en plus minces. Et finalement, même s’il n’est pas aussi explicite que d’autres (comme "Television rules the nation"), "The brainwasher" est certainement le morceau le plus cynique du lot. Il débute par un bruit que l’on pourrait qualifier de succion mécanique, suivi de martèlements réguliers. Pas de doute, on assiste là au démarrage de la machine, lent et menaçant. Laquelle, me direz-vous ? Hey, on se réveille les gars, vous aviez pas compris, on est là pour se faire rincer le cerveau, le déposer dans le tambour comme un vulgaire paquet de linge sale, ça va mousser un peu, nous filer un sacré tournis, on risque de perdre quelques neurones au passage mais c’est pas grave, il ressortira comme neuf et tout le monde sera content ! Trop tard pour hésiter maintenant, la mécanique est lancée, d’ailleurs écoutez, je crois qu’on nous parle, oui, c’est ça ! La machine nous parle, elle est vivante, intelligente, comblée : on lui a donné à manger ! On lui a procuré de quoi remplir sa fonction ! "Aaaah yeah ! The braaainwaaasheeeeer…". Vous l’entendez comme moi, ce cri de jouissance, cette satisfaction rauque, implacable, insensible, mais presque joyeuse ! Ce seront d’ailleurs les seules paroles de la chanson, leitmotiv surgissant de nulle part, mirage d’humanité au milieu de ces rythmes synthétiques et répétitifs. Effectivement (et c’est là le principal reproche que l’on puisse lui adresser), on ne peut pas dire que "The brainwasher" soit très mélodique ni très varié, mais en même temps, pensez-vous vraiment que la lobotomie soit esthétique ? De toute façon, pas la peine d’aller jusque-là : si ce titre devait évoquer quelque chose, ce serait plutôt la facilité avec laquelle l’homme du 21ème siècle peut céder à "l’abrutissement volontaire". Surprenant, le nombre d’images qui viennent à l’esprit pendant les quatre minutes qu’il dure ! Je vois, pêle-mêle, des murs d’écrans derrière des vitrines diffusant en boucle les Télétubbies, des types de l’armée marchant au pas, des métros bondés filmés en accéléré, des extraits de "1984" ou "Orange Mécanique" ; je vois de la real TV, des workaholics et des boursicoteurs, des mères de famille affalées sur un canapé, regardant le 200ème épisode de leur série, un ado boutonneux rejeté par les filles de sa classe, se paluchant devant le cul d’une MILF sur Youporn ; je vois un hamster courant dans sa roue, des poufs en boîte qui dansent sur de la merde, des gamins américains obèses abrutis par la pub, bref, je vois le "temps de cerveau disponible" de Le Lay ! "The brainwasher", c’est ce concept infâme mis en musique, avec ses rouages sautillants mais inquiétants, ses tuyaux en plastoc qui sonnent creux, comme un évier qui se vide, mais capables tout de même de vous pomper la matière grise… C’est le son à la fois repoussant et attirant de l’uniformité, le son qu’émet l’individu quand il se noie dans la masse ! Essayez d’écouter ce morceau en marchant, et vous constaterez avec effroi que vos pas se caleront bientôt en cadence, comme si votre boîte crânienne était déjà lavée, essorée, lissée, comme si vous étiez déjà sous l’emprise de la voix robotique et lointaine de ce gourou dangereux, et qui se plaît à ressasser son nom, funeste litanie, avec un air cool et détaché ! "Ooooh yeaaah ! The braaainwaaaasheeeeeeeeeeeeer !"
Psychedeclic
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le 1 mai 2013

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