Les tout petits moineaux de l'apocalypse
Je ne peux pas prétendre avoir une culture musicale très étendue (et je le peux encore moins depuis que je connais ce site), mais j'ai jusque là connu des chansons de tous types pouvant m'amener à me sentir mélancolique, joyeux, surpuissant, triste, à me faire imaginer des paysages, à portraiturer des situations ou des personnes. Mais tout cela n'est comparable en aucun cas à la rafale d'émotions que je reçois en écoutant Tout petit moineau d'Igorrr.
Étant peu (voire pas du tout) initié à l'opéra, il m'est impossible juger cette voix, ni même d'en définir la typologie vocale. Néanmoins elle m'apparait, dans la première partie de la chanson, comme extrêmement juste, intense et mélodieuse, sentiment fortement amplifié au fil des écoutes lorsqu'on est pleinement au courant de vers quoi elle se dirige.
Puis vient la partie breakcore. La voix gagne en puissance, et, de plus en plus grave, s'envole avec le rythme très soutenu du beat. Elle commence même à émettre des cris, toujours mélodieux sur ce fond si harmonieux qu'est l'association d'instruments classiques et de breakcore.
Mais malgré la maitrise totale du début de cette chanson, elle ne semble exister que pour introduire un moment, que pour parfaire son apothéose : l'explosion survenant aux alentours de 2:45. La musique est extrêmement complexe et rapide. Et pourtant. Et pourtant elle n'est qu'arrière-plan. Arrière-plan de cette voix, devenue ultime, immense, qui émet des cris surpuissants, déchirés, à la limite de l'audible, oscillant entre chant dissonant aigu et cris encore plus forts, encore plus graves, encore plus écorchés. A ce moment là, il m'est impossible de représenter quoi que ce soit dans ma tête. Il ne reste qu'une décharge de puissance infinie et d'émotion inexplicable, des frissons jusque dans les plus intérieures parties de mon corps. Les larmes me montent inévitablement aux yeux, je me sens profondément mal, et cette chanson continue de m'enfermer dans mon mal-être. Si c'était descriptible j'assimilerais cet instant à un terrassement, à la sensation de se faire infliger quelque chose de terriblement violent dans une impuissance totale et une peur non moins totale.
Cette voix passée de la beauté à une souffrance, à une infinie souffrance, disparait dans un dernier cri, un cri trainant en longueur et se terminant dans le registre aigu du début, comme exorcisée, et que l'on peut imaginer recroquevillée, à bout de souffle, comme vidée de toute énergie, de toute âme, au fin fond du néant.
Et c'est plus ou moins l'état dans lequel je suis pendant l'écoute de cette chanson.