Sorti en single quelques temps avant la parution de leur fameuse compilation Substance 1987, True faith reste sans aucun doute l’un des meilleurs titres de New Order toutes périodes confondues. Stephen Hague, producteur des Pet Shop Boys, s’associe pour la première fois avec le groupe de Manchester pour un résultat plus que probant. Il sera difficile d’en dire autant de leur prochaine collaboration, l’album Republic, dont aucun morceau ne peut prétendre concurrencer celui-ci.
Qu’est-ce qui rend True faith si irrésistible ? Peut-être le fait que texte et musique s’accordent si bien avec le titre, qui, sous l’impulsion de son insistant adjectif, sous-entendrait presque qu’il y a une bonne et une mauvaise foi, ou, plus généralement, une bonne et une mauvaise façon de voir le monde. Et True faith nous donne une telle leçon d’optimisme que le doute n’est plus permis quant aux intentions du groupe, à savoir nous faire comprendre que certains moments sont si exceptionnels qu’il faut tout simplement en profiter au maximum. Les textes de Low Life, pourtant pas si vieux (1985) étaient encore beaucoup plus nuancés dans leurs propos, ou contrebalancés par une atmosphère un peu sombre qui semait la confusion dans la tête de l’auditeur (“est-ce que je peux vraiment danser sur ça ??”). Et que dire, si l’on remonte davantage le temps, de la renaissance de cette formation, émergée des ruines de la cold wave implacable de Joy Division… Quoiqu’en y réfléchissant, il fallait justement une sacrée envie de vivre pour rebâtir quelque chose là-dessus.
On l’aura compris, ce qui anime ce morceau, ce n’est ni plus ni moins que l’Espoir (ouais, avec un grand “E”, tiens), un espoir si fulgurant, immédiat et lumineux qu’il vous éblouit soudainement, comme ce rayon de soleil matinal qui filtre à travers les persiennes en été et vous donne immédiatement envie de vous lever, parce que vous avez l’intuition, et même la conviction, en le voyant, que la journée va être bonne. L’expression “morning sun” est tellement répétée au travers des paroles qu’on serait tenté de croire qu’il s’agit du titre de la chanson. Bien qu’ils évoquent une emprise, les premiers mots de Sumner sonnent presque comme une délivrance (“I feel so extraordinary / Something’s got a hold on me”). Le malentendu est rapidement dissipé lorsqu’il précise, quelques lignes plus loin, que cette emprise n’a strictement rien à voir avec le “weight on their shoulders” chanté par Ian Curtis, mais qu’elle reflète un sentiment de liberté et de bien-être si puissant qu’il semble vous porter, et non vous écraser.
Seulement, pour en arriver là, à ce résultat, il a fallu passer par des moments difficiles : cette nouvelle foi en l’avenir est en réalité une récompense, un cadeau tombé du ciel, un signe du destin. Quelque chose que l’on attendait plus et qui vous frappe soudainement de son éclat. Peu importe l’épreuve tant que l’on s’en relève. Symboliquement, il s’agit surtout d’être capable de retrouver son âme d’enfant et de profiter de l’instant présent. “When I was a very small boy / Very small boys talked to me / Now that we've grown up together / They’re afraid of what they see”, constate placidement Sumner, de son inimitable intonation nonchalante. En tant qu’adulte, la peur et l’hostilité seraient donc les deux seuls choix qui subsistent… S’il n’y avait ce refrain enivrant, ce rythme pop/rock entraînant (New Order s’y connaissent plutôt bien dans ce rayon), ces couplets qui montent positivement en pression, ce bridge où la basse de Peter Hook fait encore une fois merveille, ces nappes de synthé qui vous font décoller, le tout formant une alchimie mélodique plus que réjouissante et si particulière au groupe. True faith est un véritable chasse spleen musical, d’autant plus réussi qu’il transcende donc son sujet. Une perle de la discographie de New Order, réchauffant à elle-seule un passé musical d’une froideur parfois clinique.