13 Reasons Why
6.4
13 Reasons Why

Série Netflix (2017)

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La Ligue des Justiciers (saisons 1 à 3)

« Thirteen Reasons Why », cette adaptation en série du roman « Treize raisons » de Jay Asher diffusée par Netflix depuis le 31 mars 2017 - un programme qui, pour des raisons évidentes, aurait dû s'arrêter à la suite des 13 premiers épisodes - poursuit sa chute avec une deuxième saison parfaitement dispensable, une troisième saison qui s'éloigne carrément du propos initial tout en sombrant de plus en plus dans la bien-pensance, ainsi que l'annonce d'une quatrième saison qui nous promet d'être tout sauf correcte...

Si la série télévisée débute de manière assez convaincante, plus on avance et plus on devient septique quant à ce qui nous est montré. La première saison se suffisait à elle-même, mais l'appel de la rentabilité a poussé les producteurs à exploiter le filon sans une once de réflexion jusqu'à son épuisement total, faisant de cette série sympathique aux premiers abords quelque chose qui tourne en rond, quelque chose d'ennuyant, de fade et de surfait - tout en restant dans le politiquement correct. En conséquence de cela, nous avons trois saisons très inégales qui semblent progressivement perdre toute cohérence les unes entre les autres. Chaque saison a l'air de fonctionner indépendamment de toute logique scénaristique et se détache de l'univers narratif global. C'est pourquoi le récit évolue de manière totalement décousue au fil des saisons. Le spectateur se demande alors s'il a bien compris ce qu'il a vu précédemment, mais le problème vient bien entendu d'une très mauvaise direction artistique qui tente désespéramment de meubler une intrigue parfois lacunaire et de raconter la suite d'une histoire qui n'en a pas.

C'est un sentiment de déception qui s'empare de moi lorsque je vois un matériau de base qui possède du potentiel mais qui est gâché par une envie viscérale de faire toujours plus d'argent, accompagnée d'un cruel manque de cohérence et d'ambition sur l'ensemble de la direction artistique. « Thirteen Reasons Why » se pare pourtant de plusieurs atouts. La série est bien réalisée, avec une photographie, un cadrage et un montage plutôt corrects. Les acteurs sont globalement persuasifs dans leur rôle respectif - même si on retrouve cet éternel problème de crédibilité lorsqu'on fait jouer le rôle d'adolescents de 16/18 ans par des comédiens qui en ont au minimum 20, sinon 25. D'ailleurs, sur la dizaine de personnages récurrents liés à l'affaire, une bonne moitié possède un profil vraiment intéressant. Je pense notamment à Justin Foley, Alex Standall, Bryce Walker - dont le personnage est davantage développé dans les saisons 2 et 3 - ou encore Kevin Porter qui sont de véritables portraits d'une humanité médiocre, des archétypes fondamentalement imparfaits qui incarnent l'une des facettes d'une société en plein malaise et semblent révéler la volonté primaire de la série : mettre en exergue les conséquences du drame quotidien de jeunes personnes dans une société américaine gangrénée par l'individualisme et le paraître.

De manière générale, la série nous offre également à chaque saison un lot de beaux plans qui constituent des scènes touchantes et émotionnellement fortes, habillant le microcosme lycéen américain de nombreuses thématiques telles que l'apparence, l'ingratitude de l'adolescence, la méchanceté gratuite dont peut faire preuve l'être humain, la mort, le suicide, le repentir, le ressentiment... L'idée de base de la lettre de suicide sous format audio n'est pas mauvaise non plus, cela permet de créer un climat de peur et de paranoïa avec cet espèce de testament maudit et damné qui s'écoute et se refile discrètement de personne en personne comme s'il s'agissait d'une bombe à retardement - ce qui est le cas. Malheureusement, tout cela ne suffit pas pour faire oublier les principaux défauts de la série. Dans un premier temps, la série de Brian Yorkey ne dissimule à aucun moment l'audience ciblée : les adolescents. En quoi cela est-il un problème ? S'en est un lorsque l'œuvre oublie de prendre du recul et impose une vérité qui n'en est pas une à travers le prisme de la morale à des spectateurs non avertis et influençables. Le problème étant que le propos est explicitement exposé avec un ton sermonneur, un ton qui ne transpire absolument pas l'impartialité, une approche politiquement correcte saupoudrée de jugements, avec un glaçage infantilisant venant édulcorer et arrondir les angles d'une vérité jugée trop choquante - mais pour qui ? La série est destinée à des adolescents et non pas des enfants en bas âge - ; sans parler de la bien-pensance grandissante qui vient nous assommer tout au long du récit comme si nous ne pouvions pas avoir notre propre opinion de la chose. Cette atmosphère sous-jacente de justiciers moralisateurs qui prend progressivement de l'ampleur au fil des épisodes et des saisons est tout bonnement insupportable.

La faiblesse de « Thirteen Reasons Why » se concentre notamment en ce point. À trop vouloir brosser le spectateur dans le sens du poil alors même que l'intrigue repose sur des actes physiquement et psychologiquement violents, à trop vouloir parler de choses négatives tout en conservant un ton qui conviendra à tous les publics on se retrouve en présence d'une intrigue totalement aseptisée qui se vautre dans une morale dangereuse ainsi qu'un manichéisme flagrant. La troisième saison étant l'exemple le plus probant de cette immonde démarche visant à dépeindre un monde à travers le regard aliéné des minorités. Difficile de savoir si nous avons affaire à une série qui dresse le portrait d'une jeunesse américaine en péril ou bien à la pure appropriation des combats des justiciers modernes - c'est-à-dire les justiciers numériques - très médiatisés afin de ne pas déranger l'ordre en place ni de bousculer la fragilité de personnes qui confondent expression artistique et militantisme politique. En regardant cette série j'ai surtout eu l'impression que l'on me disait comment je devais penser vis-à-vis de certaines choses au lieu de les décrier impartialement comme est censée le faire une œuvre digne de ce nom.

Le traitement apporté sur les notions de dépression et de suicide me pose aussi problème, me paraissant trop léger et surtout très orienté dans le sens du message global de la série : la vie c'est dur, mais il ne faut pas le montrer pour ne froisser personne. La dépression est une réelle pathologie d'ordre psychiatrique, une maladie complexe - qui ne mène pas systématiquement au suicide - ; elle est causée par divers facteurs à la fois endogènes et exogènes relevant de l'équilibre chimique du cerveau (hypothèse monoaminergique, consommation de psychotropes, trouble héréditaire...), de la psychologie personnelle ou encore du contexte socio-environnemental de l'individu. L'erreur de la série est de vouloir décrire le suicide comme étant une conséquence inévitable de la dépression, cette dernière étant la conséquence inévitable d'un harcèlement scolaire poussé, tout en essayant de justifier cela à travers une pseudo-science, une soi-disant logique systémique ou encore... que sais-je... une loi mathématique irréfutable. Finalement, tout ce que nous avons ce sont une dizaine d'évènements hasardeux qui se succèdent de manière crescendo dans la surenchère de la douleur et de l'humiliation sans jamais s'inquiéter de la potentialité d'une énumération d'évènements si statistiquement grossière, improbable. À aucun moment la série ne prend le temps d'analyser ce qu'il vient de se passer ni de nous en montrer les réelles conséquences sur le court-terme. Les personnages n'en retirent aucune leçon et continuent de suivre mécaniquement la ligne scénaristique qu'il leur a été donnée. À force d'essayer sans réfléchir de dépeindre le problème du harcèlement scolaire de manière pseudo-scientifique en établissant gratuitement des systèmes qui sont censés faire loi, « Thirteen Reasons Why » se met à faire exactement le contraire en manquant scrupuleusement de rigueur en termes de traitement de la psychologie de ses personnages et de leur évolution émotionnelle et cognitive au fil du récit. En somme, tout cela n'apporte pas grand-chose, c'est assez creux, contradictoire parfois, et non sans oublier le voile de bien-pensance visant à ce que tous les spectateurs se confortent dans leur propre névrose d'occidentaux apeurés par la réalité du monde réel.

SAISON 1 : 6/10

La première saison demeure indubitablement la meilleure de toute, et surtout la seule vraiment importante tant les saisons suivantes sont vaines et dispensables. Comme dit précédemment, la saison 1 se suffisait à elle-même et je ne comprendrai jamais pourquoi le choix de poursuivre la série a été validé par les producteurs - Ah si... c'est pour rentabiliser un filon de série TV sur plusieurs saisons et peut-être, au passage, utiliser un peu de « temps de cerveau disponible » des spectateurs pour faire passer divers messages d'ordre mercantile ou politique. Malgré quelques problèmes majeurs, la saison tient la route et n'est pas non plus ridicule pour un programme destiné aux adolescents. La réalisation y est plutôt propre, on a le droit à quelques jolis gros plans et portraits sur les personnages, de l'émotion, une photographie qui met relativement bien en valeur les éléments visuels importants pour l'intrigue, une musique assez sympathique, des acteurs plutôt convaincants dans l'ensemble...

Malheureusement, les bonnes nouvelles n'arrivent que rarement seules. En dépit de tous ces éléments prometteurs, la série souffre de ce problème de ton moralisateur et de ce mauvais traitement de la psychologie des personnages, de la dépression et ses causalités, des conséquences de cette dernière et du suicide. Tout ceci est faussement scientifique, faussement rigoureux. Nous sommes seulement confrontés à des personnages qui ne tirent aucune leçon de leurs actions et qui ne parviennent pas à se soustraire de la ligne scénaristique si mécanique qui leur est imposée. Par exemple, Hannah, mais pourquoi diable va-t-elle volontairement, seule, à une soirée organisée par le gars qu'elle a vu violer sa meilleure amie 2 ou 3 épisodes plus tôt ? Elle est censée être traumatisée par cet évènement alors pourquoi ne le semble-t-elle pas et pourquoi fait-elle cela ? N'a-t-elle donc rien appris de cette expérience ? Que d'incohérences. Une incroyable absence de rigueur dans la psychologie et l'évolution émotionnelle de ce personnage qui n'agit pas un seul instant de manière logique.

De toute manière, Hannah Baker est représentée dès le départ comme une drama queen insupportable et égocentrique dont le médiocre travail d'écriture dans la construction du personnage ne laisse pas de place à la remise en question. Du début à la fin, c'est elle qui raconte l'histoire à travers le prisme de sa propre vision, bloquée dans un statu quo cognitif et émotionnel ne permettant aucunement d'avoir le moindre sentiment d'identification de la part du spectateur, irrité. Hannah est un individu invisible mais omniprésent, qui conte une histoire à l'image de sa personnalité : un personnage sans nuance, qui n'évolue pas, qui n'apprend pas et qui est joué sur une seule note - une note pour le moins inopportune -, ce qui est un réel souci pour un personnage-narrateur qui accapare inexorablement beaucoup de place dans la narration.

La première saison gère assez bien son rythme, sauf exception pour un ou deux épisodes où l'on sent que la production a voulu meubler un manque notoire de texture narrative. Je pense à des épisodes entiers consacrés à des personnages futiles à ce niveau de l'intrigue. L'épisode sur Ryan ou bien celui sur Zach auraient pu tenir en 20 minutes. Dommageable mais pas catastrophique. Certains reprochent à Clay sa lenteur mais c'est ce qui concentre tout l'intérêt du spectateur : le suspense, la tension narrative et le désir insatiable de savoir ce qu'il s'est vraiment passé. Enlever cela, c'est priver la série de toute sa valeur sur le plan narratif, c'est aussi casser la tension dramatique. Nous avons ensuite quelques effets débiles pour bien contextualiser le temps de la narration au cas où les spectateurs seraient trop cons - ils le sont, bien sûr, mais ce n'est pas une raison suffisante. C'est pour cela que Clay se casse la gueule à vélo et nécessite 8 semaines pour que son éraflure au front cicatrise enfin ; ainsi durant les flashbacks on voit bien la distinction entre les différents temps de la narration étant donné que Clay n'a pas encore sa blessure... et puis ce n'est pas comme si la présence de Hannah et le filtre sépia à chaque flashback ne suffisaient pas pour situer le récit dans le temps.

Le plus gros problème de cette saison est quand même cette infecte décision de censurer probablement la meilleure scène de toute la série, la séquence la plus intense émotionnellement, la plus maîtrisée dans la direction de l'actrice Katherine Langford et dans la mise en scène : le suicide de Hannah dans la baignoire. Quelle indignation au vu d'un tel acte de lâcheté de la part de Netflix face aux oppresseurs du Net : La Ligue des Justiciers numériques. Quelle connerie surtout ! Faire cela plus de 2 ans après la diffusion de cet épisode, bien après que tout le monde l'ait déjà vu. Que de bêtise et d'enfantillage pour finalement amputer la saison de sa meilleure séquence sur le plan technique. Soupire. Tout cela pour ne pas froisser quelques égarés qui confondent les combats de # sur Twitter avec l'art cinématographique, tout en pensant pouvoir venir y déverser leur venin afin d'altérer des œuvres brutes.

SAISON 2 : 5/10

Le paradoxe de la deuxième saison est que cette dernière est loin d'être techniquement médiocre mais demeure tout bonnement inutile, dispensable, interchangeable, remplaçable... La série n'avait pas besoin de cette suite parce-que l'intrigue originale n'a pas été écrite pour avoir une séquelle. Rien dans cette saison n'était nécessaire et c'était un énorme risque que de la produire et de la diffuser. Bien heureusement, ce n'est pas un échec total, si la saison est complétement oubliable et clairement de trop, elle n'est pas vraiment mauvaise sur les plans de l'écriture et de la réalisation.

Somme toute, on lui conférera les mêmes atouts et on lui reprochera les mêmes problèmes que la précédente saison sauf qu'ici l'intrigue n'est plus centrée sur l'insupportable Hannah Baker mais sur le procès, et l'on ne s'acharne plus à portraiturer Hannah comme la reine des victimes mais l'on s'efforce de dépeindre Bryce Walker comme la pire des ordures. L'antéchrist en personne. Soit, c'est un postulat qui peut se défendre et c'est celui choisi pour cette saison 2. En définitive, on se moque éperdument de ce qu'il se déroule sous nos yeux étant donné l'aspect factice de cette dispensable suite. D'autres personnages sont développés plus en profondeur comme Tyler, Justin, Zach ou Bryce mais qu'importe puisque nous n'allons nul part avec cette série ?

À ce stade, « Thirteen Reasons Why » s'efforce vainement de donner de la texture à un matériau déjà épuisé et cela raisonne comme un coup d'épée dans l'eau. D'autres incohérences facilement évitables pointent le bout de leur nez. Les deux premiers épisodes tentent de construire quelque chose entre les personnages de Clay et de Skye, mais cette dernière tombe subitement en dépression - tiens donc, encore une - et disparaît totalement de la série, à jamais, comme si le néant en personne l'avait aspirée. Les parents de Hannah qui formaient un duo pathétique - au sens littéral du terme -, une force émotionnelle venant contrebalancer le je-m'en-foutisme ambiant (sauf pour Clay) face au suicide d'une camarade de classe, partent dans tous les sens et perdent tout leur intérêt en tant que personnages au sein de l'histoire. Seulement bons à chouiner au tribunal sans que cela ne change quoi que ce soit, tout en incorporant un micro arc-narratif sur leur divorce... encore quelque chose dont on se serait passé.

Deux autres problèmes relevés. Premièrement, je ne sais pas quel est le problème avec l'écriture des sportifs du lycée, les scénaristes doivent être momentanément dans un état de conscience altérée... je n'ai jamais été dans un lycée américain - et tant mieux - mais je doute que les choses se déroulent ainsi. Il va donc falloir m'expliquer pourquoi les sportifs jouent un coup au basketball, un coup au baseball, un coup au football américain - la prochaine fois ils joueront dans l'équipe de lacrosse - ; je ne pense pas qu'un lycée qui reçoit les sélectionneurs des équipes universitaires n'ait qu'une seule équipe sportive, et que cette dernière soit si polyvalente. En général, il y a une équipe par discipline. Et puis quel est l'intérêt de faire cela ? En quoi est-ce important pour la narration de les faire changer de sport une fois sur deux, je ne me l'explique pas et ne comprends pas un tel choix d'écriture. Pourquoi ne pas rester sur le basketball une bonne fois pour toute ? C'est vraiment un détail stupide et totalement gratuit qui n'a aucun sens. Enfin, nous avons cet aguicheur cliffhanger du terroriste Tyler à la toute fin de la saison qui sera bien évidemment désamorcé dès l'épisode premier de la saison 3 et ne servira qu'à justifier de s'infliger le visionnage de la quatrième saison à travers un autre grossier cliffhanger inconséquent en fin de saison 3. Soupire.

SAISON 3 : 4/10

Si la saison précédente était parfaitement superflue mais néanmoins correcte, la troisième saison est un vrai fléau, du moins son affreuse première partie, soit les 7 premiers épisodes tout de même. Nous sommes bien en deçà de ce qui nous avait été proposé avant, ce qui ne constituait pas non plus un chef-d'œuvre. Cette autre séquelle se vautre vulgairement dans une soupe de bien-pensance. La morale est omniprésente, palpable. La série ne se contente plus d'utiliser une ambiance niaise ou un ton suggestif ; désormais, la bouillie militante se matérialise à l'écran sous nos yeux ébahis. Débute alors le carnaval de la niaiserie au travers de l'appropriation d'absolument tous les combats de nos détestables justiciers digitaux adeptes de la délation et de l'auto-victimisation compulsives.

Nous avons donc le droit à la totale des thématiques concernées dans un élan dépourvu de toute subtilité : « commençons par lever, à moitié seulement, le tabou sur la masturbation féminine avec un épisode entier sur Jess qui s'amuse avec un godemichet à « se réapproprier » son corps, mais sous une couverture, bien entendu, histoire de ne pas fragiliser l'intégrité de notre puritanisme... et puis, en même temps, transformons ce même personnage pour qu'il passe de la victime de viol traumatisée qui ne peut plus se regarder dans un miroir à une nymphomane délurée qui s'adonne au sexe bestial, sans une once de réflexion... puis créons un groupe de défense des minorités au sein même du lycée où il n'y aura que des filles, de couleur si possible, et homosexuelles c'est encore mieux, ils le font bien dans « Riverdale » et personne n'a rien vu venir... puis mettons aussi un personnage non-binaire maître 10e dan du comportement passif-agressif, un personnage qui ne sert à rien sauf à nous casser les couilles... et pourquoi ne nous leur donnerions pas à tous des tee-shirts avec des slogans et des logos LGBTQ+ qu'ils porteront 15 minutes par épisode afin de faire un peu de propagande... une action militante inspirée des Femen pendant un match de football américain débordant de testostérone, gratuitement, ça pourrait être pas mal aussi... ». On voit clairement où est-ce que la série veut nous emmener, ou du moins son vil propos ne transpirant pas à une seule seconde la neutralité. Rien de subtil là-dedans, un grossier réchauffé de bouillon à la bien-pensance occidentale postmoderne afin ne pas énerver certaines personnes qui passent plus de temps à se battre sur Internet avec d'autres égarés plutôt qu'à travailler, ou même tout simplement à vivre, et qui n'aiment pas le cinéma ni ne lui veuillent du bien mais tentent de se l'approprier dans le but d'y faire passer leur message.

Heureusement - bien qu'il n'y plus rien à sauver à ce stade-là -, la seconde moitié de la saison est bien meilleure. Le récit véhicule plus d'émotions, des émotions plus fortes et plus concrètes. La narration évolue avec plus de fluidité malgré les incohérences avec les deux précédentes saisons. Effectivement, même si les évènements s'enchaînent plus harmonieusement en fin de saison, ceux-ci font non-sens avec l'intrigue globale de la série. La troisième saison, sans qu'on ne sache pourquoi, remue ciel et terre pour détruire ce que les deux premières avaient difficilement construit. On sent immédiatement le flou artistique qui règne au niveau de la direction et de la production, les saisons se répondent tout en s'annulant bêtement entre elles. La première défendait la position de Hannah, une femme chiante mais fragile qui fut victime de la méchanceté d'autrui. La deuxième dressait le portrait d'un Bryce Walker répugnant, infect violeur multirécidiviste irrécupérable, héritier de Satan. Et cette troisième saison débarque et tente désespéramment de sauver le personnage de Bryce en montrant que, lui aussi est un être humain, lui aussi a un cœur - oui, on ne s'en serait pas douté - ; et cela fonctionne car ce personnage devient presque attachant et l'on regrette presque sa disparition. Le problème étant qu'en plus de n'être qu'une suite vaine et superflue, cette troisième saison vient déconstruire ce qui avait été établi auparavant, apposant le dernier clou sur le cercueil de la cohérence narrative de l'univers de « Thirteen Reasons Why ».

Le rôle du personnage-narrateur qui était jusqu'alors interprété par Hannah est dorénavant donné à Ani : un nouveau personnage joué par une nouvelle actrice arrivant telle une fleur dans un deus ex machina des plus sublimes ; rarement une facilité d'écriture n'avait été aussi allégrement assumée. Nouvelle élève dans le lycée, ce personnage remplace Hannah Baker en tous points, jusqu'à émoustiller le jeune Clay Jensen... sauf que cette dernière est noire, et pauvre, dont la mère travaille pour des riches, des riches blancs, qui ne sont autres que la famille Walker... incroyable concours de circonstances ! On a vraiment eu de la chance, imaginez la probabilité d'un truc pareil... Bref. Le personnage de Madame Baker refait surface après avoir disparu quand on en a besoin... Quoi d'autre ? On ne change pas les bonnes habitudes, les transitions entre flashbacks et réalité présente sont vraiment affreuses et témoignent le manque total de talent dans la réalisation, dépourvue d'idées de mise en scène : Clay n'a plus de blessure au front mais deux épaisses bandes noires viennent nous rappeler à quel moment se déroule l'action, et le filtre sépia rappelant la nostalgie de la présence de la défunte Hannah est devenu un horrible filtre grisonnant qui étouffe toute intensité ou nuance dans les couleurs, faisant de la photographie quelque chose d'horriblement laid et inexpressif.

Beaucoup d'appréhension pour cette quatrième saison qui risque d'être des plus décevantes, et personne n'en attendra plus. Peut-être n'aurai-je plus le courage de m'infliger le visionnage au moment de sa sortie. Seul le temps nous le dira.

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le 13 sept. 2019

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