13 Reasons Why
6.4
13 Reasons Why

Série Netflix (2017)

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Kikou c’est moi, Hannah Baker. J’espère que je vous énerve pas déjà parce que vous allez m’écouter me plaindre pendant treize heures dans Blog Skyrock Pubère : la série. Il m’est arrivé plein de trucs horribles (mais genre beaucoup) et aussi des trucs lambdas, et du coup je me suis suicidée. Tout le monde il est méchant, la vie c’est dur putain. La bise.


Les prémisses de 13 Reasons Why sont, au fond, plutôt prometteurs. Ce testament maudit, cette lettre de suicide audio qu’on se lance comme une patate chaude, ce réquisitoire qui avait la possibilité d’interroger la morale et les intentions des accusés comme de l’accusateur. Adaptée d’un roman young adult à succès, la nouvelle série Netflix ne cache d’ailleurs jamais le public qu’elle vise : il s’agit, bien évidemment, des premiers concernés par ces tragédies lycéennes et autres bluettes plus ou moins pertinentes, allant du très sérieux harcèlement scolaire au pathétique je-t’aime-moi-non-plus – les ados.


Treize épisodes durant, nous découvrons donc les treize raisons qui auraient poussé la défunte Hannah Baker à se donner la mort. Oui, treize. Ça semble quelque peu arbitraire comme nombre, et cela handicape d’ailleurs très souvent la série. Ouais bon là, untel a pas été cool : on va donc faire une heure là-dessus. De ce format découlent deux limites : la première échoit au personnage d’Hannah, qui apparaît rapidement comme une agaçante drama queen capricieuse et franchement égocentrique, impression accentuée par le fait que les scénaristes l’épargnent presque entièrement de toute remise en question. Hannah est un personnage sans nuances et par conséquent un personnage ennuyant. Dommage, parce qu’elle est la protagoniste et la narratrice de la série. Certes, son destin est tragique – mais cela reste un personnage de fiction, un personnage écrit par un scénariste, et en tant que tel, on peut juger son dessin : elle ne diffère que très peu de Calimero.
L’autre limitée liée au format de 13 Reasons Why, c’est sa nécessité de meubler. Dans sa définition comme utilisée (théoriquement) par la série, la dépression menant au suicide est un acte complexe, aux facteurs souvent flous et pluriels. 13 Reasons Why n’est ni l’un ni l’autre. Pour faire simple, se succèdent donc une dizaine d’événements souvent grossiers et peu crédibles qui tentent de maladroitement justifier ce suicide selon une logique mathématique, sans jamais vraiment prendre le temps d’étudier les véritables conséquences de chaque événement au court terme. A l’exception notable des deux ou trois derniers épisodes, Hannah tire toujours la même tronche et semble bloquée dans un statu quo émotionnel pas vraiment très opportun, puisqu’il empêche toute empathie.
C’est d’autant plus dommage car 13 Reasons Why sait parfois toucher juste, notamment dans ses portraits de personnages (sur la douzaine « d’accusés », une bonne moitié ont un profil passionnant, entre archétype, allégorie et visage profondément humain). Les interprètes sont globalement très convaincants, et les treize épisodes sont ponctués de très belles scènes, touchantes voir bouleversantes, composant autour de thèmes aussi variés que le deuil, le paraître, le microcosme lycéen, les remords, la résipiscence et plus généralement l’âge ingrat de l’adolescence. Récit initiatique dont le moteur est la tragédie et les fautes passées qui reviennent nous hanter, la série de Netflix vaut surtout pour ses personnages les plus ambiguës, comme Justin Foley, Alex Standall ou Mr. Porter – sublimés par les grands écarts séparant leur comportement, leurs motivations, leur vie privée et leur vie publique. Ils sont foncièrement imparfaits, et donc plus évocateurs de ce que semblaient être les intentions initiales de la série : fait réfléchir sur le drame quotidien et ses conséquences (dont le harcèlement moral et sexuel), et délivrer une analyse quasi-sociologique des codes, des communautés, des traumatismes et des malaises gangrenant en profondeur les lycées américains.


Mais voilà : 13 Reasons Why, c’est beaucoup de surplace pour un paiement un peu facile, c’est une valorisation aveugle d’une héroïne superficielle, c’est aussi des intrigues secondaires dignes d’un soap du dimanche avec leurs protagonistes aux comportements improbables et incohérents. A trop vouloir décomposer le suicide avec une rigueur scientifique, on finit par se retrouver devant un objet froid, immature et vain, pas vraiment aidé par ses dialogues à coucher dehors et sa bien-pensance assommante. Oui, les intentions sont bonnes. Et non, tout ce problème n’est pas si simple. S’il suffisait d’un bon sujet pour faire une bonne série, ça se saurait. Et quand une œuvre visant à dénoncer le harcèlement scolaire finit par trouver son intérêt dans sa déconstruction intimiste d’une jeunesse américaine désenchantée, muette et prisonnière de ses pères, une jeunesse que personne n’écoute et ne respecte ; on se dit que les scénaristes sont peut-être passés à côté de leur objet. Mais pourquoi pas, après tout.

Vivienn
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le 25 août 2017

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