Un élève peu doué
Warning, spoil spoil spoil, jusqu’au dernier épisode. à ne lire que si vous n’avez pas vu la série, ou si vous n’en avez rien à foutre (mais alors, pourquoi lire ça ) J’ai un problème avec Stranger...
le 26 juil. 2016
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Dès sa longue introduction et son générique, Stranger Things donne le ton : on connaît cette musique, ces geeks à vélo et cette incursion du surnaturel dans le quotidien d’une campagne américaine. La proposition des frères Duffer, elle est simple, elle n’est pas nouvelle : nous replonger dans les années 80 et l’âge d’or des productions Amblin. Un hommage nostalgique à la mode puisqu’il était déjà le moteur des films Super 8 et Midnight Special, mais c’est bien la première fois que le petit écran se charge de reproduire de façon aussi appliquée l’univers spielbergien. Il fallait bien entendu que cela se fasse sur Netflix qui, dans sa quête de projets originaux, aurait peut-être trouvé ici la prémisse de l’une de ses plus grandes réussites.
Tout commence comme dans Rencontre du troisième type, et puis s’enchaînent des références plus ou moins prononcées à Les Goonies, Ça, Stand By Me, E.T., Evil Dead, The Mist, Silent Hill, The Thing et bien d’autres encore. On pourrait lister pendant des heures les muses de Stranger Things, qui ne s’arrête jamais de faire des clins d’œil. On passe de Spielberg à Carpenter, on fait des détours chez Stephen King, le tout pour un melting-pot à l’odeur familière : si les mondes de ces auteurs sont parfois contradictoires, il s’agit ici de la formation ultime des codes et de l’imagerie de ces créateurs dont les recettes ont chacune leurs subtilités propres (la candeur poétique de Spielberg, l’épouvante de King, la cruauté de Carpenter). Si Stranger Things échoue parfois à équilibrer ces trois pôles principaux, cela lui confère une atmosphère forte, iconographique, très caractéristique du cinéma qu’elle admire passionnément.
Un hommage appuyé qui, malgré ses bénéfices, est aussi la principale limite de la série. Au milieu de tous ces emprunts, difficile de trouver une idée neuve : tout semble avoir été récupéré ici ou là, c’est même le cas de certaines scènes et plans dont la source ne fait aucun doute (difficile de ne pas voir E.T. dans la course-poursuite entre autorités et enfants à vélo, ou Stand By Me lorsque ces mêmes gamins marchent le long d’une ligne de train).
On pourra critiquer le manque d’originalité de Stranger Things¸ mais difficile de rester impassible devant sa charge émotionnelle. Ses personnages sont forts, leurs enjeux sont simples et concrets – l’ensemble est d’ailleurs présenté avec un certain talent qui parvient à donner toute sa puissance à une modeste embrassade, grâce au dessin sensible de chaque visage de ces huit épisodes. Mais cela ne se fait pas sans sacrifice : la série des frères Duffer est certes passionnante et sans temps mort (on pourra d’ailleurs remercier son format relativement court – environ sept heures – qui l’empêche de sombrer dans le remplissage inhérent à la plupart des productions Netflix), mais elle souffre de lacunes scénaristiques évidentes : raccourcis un peu gros, coïncidences moyennement crédibles et lieux communs regrettables, le tout pour faciliter une narration fluide. C’est bien pour ça qu’on serait tenté de lui pardonner, tant cela contribue à la bonne tenue du rythme de cette saison.
Mise en scène, musique, effets visuels… Stranger Things est aussi une merveille technique. L’ambiance est merveilleusement retranscrite et on décèle dans cet étalage de moyens la rencontre du moderne et du vintage. Surprennement contemporaine, notamment parce qu’elle fait parfois preuve d’une certaine violence – tant à l’écran qu’à l’écrit – la série de Netflix évite dans cet esprit une thématique qu’elle aurait pu bêtement suivre à la lettre : celle de la fin de l’innocence. Dans Stranger Things, il est moins question d’être un adulte que de garder un esprit d’enfant capable de pouvoir croire ce qu’un homme trop rationnel pourrait ne pas prendre sérieusement. Cela s’entremêle aux ombres du deuil, de l’alcoolisme, de la différence et du mal-être social – des thèmes bien sombres qui pourraient réévaluer la nature de la véritable cible de la série.
On ne peut pas vraiment parler de réussite totale, mais Stranger Things accomplit ce qu’elle entreprend. Ses failles, elles sont inhérentes à ses choix fondateurs, principalement celui de rendre un hommage aveugle à toute une frange de la culture de genre de la dernière partie du XXème siècle. Si elle néglige aussi quelques importants retournements diégétiques, cela est compensé par le dynamisme de sa narration. Le plaisir reste intact – il a beau jouer la corde de la mélancolie, il le fait très bien, et on ne peut qu’applaudir le talent et l’implication des intervenants : le résultat comble un manque certain de la télévision avec une maîtrise inespérée. Reste à savoir s’il parviendra à se renouveler dans son second acte, qui aura la lourde tâche d’éviter la redite qui pourrait lui être fatal. En attendant de savoir ce qui arrive au chevalier perdu, à la princesse hautaine et aux fleurs bizarres de la grotte (il ne faudrait pas que les parties s’éternisent !), impossible en tout cas de ne pas faire l'éloge de Stranger Things.
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le 16 juil. 2016
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