II-7
''We're opposed To state monopolies pretending to be democratic . We're opposed to concentration camps. We're opposed to secret police. We're opposed to the closing of our national frontiers and we're opposed to the censorship.''
''We're going to put this country and its economy back into the hands of the ordinary people. ''
''I just oppose an obvious evil.
- if you oppose anything, it's a political act.
- it doesn't have to be a dogma. Listen, why do you people always expect us to climb aboard your vast ship of rigid theories and ignore all the holes in the bottom of the ship until we are drowning ?
- Who's we? How arrogant !
- There is an ordinary decency and an ordinary humanity that does not need a mouvement. All it needs is an elbow room. Give us the elbow room and, for god's sake, let us get on with our lives.
- This country won't ever change if we have to rely on the romantic whims of solitary cowboys... ''
1990 est axée autour du journaliste de presse libérale Jim Kyle, qui participe avec son ami de la direction des affaires d'import-export du gouvernement, à un réseau clandestin d'exfiltration de dissidents vers les USA. il travaille pour le dernier quotidien osant encore critiquer le gouvernement, bien qu'il soit financé essetiellement par les "annonces" placées par l'état dans ses pages.
Le régime de 1990 n'a plus organisé d'élections depuis des années, et soumet la population à un socialisme autoritaire - disons même totalitaire, dans la mesure où toute la société civile passe désormais par l'Etat. Privés de carte d'identité , les "non-citoyens" sont condamnés à mourir de faim dans la rue, car ils n'ont plus accès à la monnaie, aux rations, aux logements attribués par l'état. D'autres sont internés dans des "centres de réhabilitation pour adultes" sur le modèle des fameux hôpitaux psychiatriques russes, où il subissent une lobotomie par électrochocs.
Dans cette Angleterre, les pauvres n'ont même pas les moyens de se payer de l'alcool, et doivent faire la queue devant les pharmacies pour obtenir des "happy pills". La qualité de l'alcool auquel un individu a accès, comme celle de sa nourriture, de son logement, dépendent de sa place dans la hiérarchie bureaucratique.
On peine à trouver de grandes diférences entre ce cauchemar dystopique modelé sur l'URSS (point qui devient de plus en plus évident au fur et à mesure que la série avance, sans y insister trop d'abord), et la réalité actuelle des démocraties libérales en général, de la Grande-Bretagne en particulier. Dans cette série inspirée du 1984 d'Orwell, les heures de travail autorisées sont limitées et les arrêts maladie sévèrement contrôlés. Dans la GB actuelle, les prolétaires sont obligés de cumuler deux emplois ; un pour payer leur loyer, un autre pour se nourrir et se déplacer pour aller au travail. Ils peuvent voter pour des politiciens issus des longues lignées d'aristocrates au pouvoir depuis des siècles, ça ne changera rien à leur situation ni aux mesures de rétorsion politiques de dégradation des services publics engagées au tournant des années 80 par la droite, et renforcées ensuite par la 'gauche". Dans le monde réel, les travailleurs prennent éventuellement, en sus du café et des cigarettes, des stimulants de synthèse pour tenir le rythme (amphétamines) et d'autres drogues pour supporter leurs douleurs (fentayl). Et quel pays voudrait d'eux s'ils souhaitaient fuir l'Angleterre ?
Il reste que les électrochocs sont passés de mode, et qu'ils étaient pratiqués en effet de manière plus "libérale" en Occident sur les éléments révoltés de la société - selon les caprices des familles et des institutions. Et n'oublions pas la bonne vieille hystérectomie, pratiquée sur les "indigènes" et les "folles".
Le gros point de divergence entre cette GB bolchevique et la GB actuelle, reste la liberté d'expression. Les livres d'histoire et les classiques ne sont pas réécrits, et il reste une liberté de la presse - que celle-ci, majoritairement possédée par des très riches, exerce essentiellement à propager des rumeurs sur les vedettes du show-business, à quelques exceptions près.
Par contre, les moyens de surveillance de la population ont atteint une dimension qui rejoint les récits d'anticipation les plus sombres du XXe siècle - si le journaliste Jim Kyle est suivi par des agents du gouvernement, si on pose des micros dans ses vêtements et ses lieux de vie, si certains agents disposent de montres enregistrant les conversations, 1990 reste en-deçà du quadrillage TOTAL opéré par l'action conjointe des caméras dans la rue et des smpartphones dans la poche.
Et il ne s'agit pas que d'intimider et de surveiller les dissidents ou de traquer les terroristes : des activistes de ExtinctionRebellion idéntifiés grâce à l'application zoom, ont récemment été condamnés à cinq ans de prison pour y avoir planifié le blocage d'une autoroute.
https://www.france24.com/en/live-news/20240718-uk-climate-activists-jailed-over-motorway-protest-plot
Dans le système politique de 1990, le ministère de l'intérieur a pris la main sur tout le gouvernement, et le chef de sa police politique (ou PCD - Public Control Department) est l'ennemi personnel de Kyle. Pour des raisons de récit, ce journaliste a un accès privilégié au personnel dirigeant les institutions politiques, et une alliée très proche au sein de l'équipe dirigeante de la police politique. Dans la première saison, c'est une beauté ayant pour tâche de le manipuler. Dans la seconde, c'est une ex-amante qui tente de regagner ses faveurs en jouant pour lui les informatrices.
Kyle n'a aucune sympathie pour les milieux de gauche, et ses manières hautaines le rattachent à une sorte d'élite aristocratique - sa rectitude morale (ormis la "fidélité" à son épouse) le rattache à l'imagerie du "gentleman" tenant de valeurs traditionalistes, exemple de la "common decency" qu'Orwell, lui, attribuait en commun à toute l'humanité. Mais par ses scotomisations, ses points occultés, 1990 trahit son rôle politique dans l'angleterre réelle des années 70. Logiquement, les syndicats de gauche sont montrés comme les complices du régime totalitaire. Les "MPs", élus politiques, sont mentionnés comme des pantins. Mais la famille royale n'est pas évoquée. La caste aristocratique privilégiée qui occupe les postes de pouvoir n'est pas nommée comme telle, et la série entretient le mythe d'une moralité de droite, qu'Agatha Christie s'était amusée à démasquer au fil de ses histoires de meurtres. Après tout, c'est en montrant une aptitude particulière aux manigances, aux trahisons et à l'absence de scrupule allant jusqu'à l'assassinat, que l'on accède aux plus "hautes" sphères de la société.
Techniquement, 1990 est un modèle qui place la télévision anglaise au faîte de l'audiovisuel mondial : son écriture adulte, son refus de la dramatisation musicale, l'excellence de ses acteurs et la sobre maîtrise de sa mise en scène. Son réalisme apparent soigneusement reconstitué dissimule le peu de vraisemblance des relations interpersonnelles autour desquelles s'articulent les intrigues - on se demande pourquoi CE journaliste est tellement ménagé et favorisé par les sphères du pouvoir - au point que les intrigues s'apparentent à celles prenant lieu dans le village du Prisonnier (un épisode transpose "Le marteau et l'enclume" où notre héros venge un allié en retournant les méthodes de son persécteur contre lui). Rétrospectivement, 1990 témoigne de parti-pris politiques obsolètes, en particulier dans la mesure où elle n'a pas su voir que le capitalisme de marché aboutirait au même système que le capitalisme d'état.
En fin de compte, les gentlemen farmers devenus aristocrates traders de la City, n'ont même plus besoin du petit peuple qui labourait leurs champs, tondait leurs moutons et tissait leur laine, et qui une fois la production de tissu délocalisée en Inde, continua de faire tourner l'économie en creusant les mines. Le pognon se fait désormais dans le monde virtuel de la finance. Et pour le monde réel, il y a les esclaves de l'étranger. Comme en chine, qui a gardé du modèle communiste russe le contrôle totalitaire de la société, tout en adoptant l'économie productiviste du consumérisme occidental, sans s'encombrer du droit du travail qui y avait été obtenu de rude lutte. Le système est clos, la mondialisation accomplie.
1990 initiait une nouvelle vague de propagande "libérale" qui préparait les esprits à la destruction de la société opérée à la fin du XXe siècle par les politiciens de la City. Telles les séries des années 80 comme "Yes prime minister" et co. , qui dénonçaient l'inefficacité de la bureaucratie, accompagnant la politique réelle de destructuration pour la remplacer par une nouvelle bureaucratie plus inefficace encore - cf "The Trap" d'Adam Curtis - mais qui présentait l'avantage d'ouvrir les secteurs d'activité publics à l'économie de marché. Drainant les crédits publics vers le privé - rétribuant les services frelatés fournis par les entreprises privées avec l'argent des impôts payés essentiellement par les pauvres - ce qu'ils appellent "réintroduire l'argent dans l'économie réelle", je crois. En bref, de créant de nouvelles sources de profit pour le marché, en saupoudrant une pincée de réel dans le monde spéculatif.
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détails :
La première saison décrit la soumission des ultimes rebelles au sein des institutions de pouvoir d'une Angleterre devenue un état policier staliniste. Le président de l'union syndicale qui avait tenu un discours critique aux USA subit un lavage de cerveau dans l'un des six établissements ("adult rehabilitation centres'') récemment établis à cette fin. Un médecin qui refuse le contrôle systématique des ouvriers en congé maladie est harcelé au point d'entreprendre son évasion vers les USA. Le dernier membre du tribunal administratif qui tranche toutes les questions de droit du travail comme de droit commun, refusant les sanctions systématiques envers les salariés-citoyens, subit les pressions du ministère de l'intérieur. L'un des cas leur étant soumis est un professeur ayant enseigné que Staline était un criminel. L'autre est le médecin ayant tenté de fuir le pays. Et le journaliste au centre de l'histoire devient lui aussi victime du système, déchu de tous ses droits et condamné au statut de non-citoyen.
Dans la seconde saison, on voit la persécution d'un ex-ministre chargé des questions alimentaires, qui proposait pour résoudre les problèmes de malnutrition, un régime végétarien. Le harcèlement d'un journaliste indépendant. Le lavage de cerveau d'un dirigeant syndicaliste qui a osé dénoncer le système anglais lors d'une conférence aux USA. Et une immolation en place publique.
La série dénonce l'éradication des libertés d'entreprise, d'expression, de circulation.
Confronté à la tentative d'exil d'un technicien nucléaire "afro-britannique", le membre noir de la direction du contrôle de la population se lamente qu'autrefois les Indiens et les Africains essayaient d'entrer, pas de sortir.
Notre journaliste, qui essaie de dénoncer la corruption du ministre du commerce qui achète trop cher le cuivre d'un état africain, reste insensible à l'argument selon lequel il serait temps de leur rendre un peu de ce qu'on leur a pris.
En n'actualisant pas l'analyse de la société anglaise trente ans après le livre d'Orwell, les omissions de 1990 en font une défense convenue du système en place, quand 1984 était une mise en garde contre les attraits trompeurs de l'URSS à une époque où la Russie réussissait à entretenir les illusions auprès des partis communistes occidentaux. Orwell s'était focalisé sur l'analyse de la répression étatique ; ce qui le rendait récupérable par une critique libérale des systèmes dictatoriaux, alors même que la GB était l'alliée des tyrans d'extrême-droite d'Espagne et d'Amérique du sud (logique, puisque la plupart avaient été mis en place par les USA). Dans le monde actuel où les moyens totalitaires de contrôle de la population sont devenus omniprésents, on ne peut plus faire l'économie de l'analyse des soubassements économiques du système.
Wilfred Greatorex a écrit pour les séries Destination danger, Man with à suitcase, et créé Big brother en 1970 (six pièces filmées "examinant la possibilité que l'angleterre devienne celle de 1984").