22.11.63
7.1
22.11.63

Série Hulu (2016)

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https://leschlamedias.wordpress.com/2016/04/26/11-22-63-futilites-temporelles/


Avec Netflix qui gagne du terrain en permanence dans la diffusion de séries sur le web, Hulu compte bien tenter également de tirer son épingle du jeu pour remonter en popularité. Après Casual, le rachat des droits de The Mindy Project et récemment The Path, la plateforme s’associe à J. J. Abrams pour nous présenter 11.22.63, un thriller de science fiction, adaptation du roman éponyme de Stephen King.


Le principe est relativement simple : Jake Epping (James Franco), remonte le temps pour tenter de sauver John F. Kennedy de son assassinat. S’il pourrait sembler un peu absurde que l’on se serve du voyage dans le temps exclusivement pour sauver Kennedy, c’est ici rendu cohérent par le fait qu’il s’agisse d’une porte de voyage temporel menant vers un point fixe : le 1er octobre 1960. Il aura donc presque trois ans pour préparer le sauvetage du président et en repassant la porte temporelle, reviendra 2 minutes après son départ. Toutefois, un nouveau voyage dans le temps annulerait toutes les modifications du dernier voyage. Jusque là, pas de grande originalité transcendante.


Là où la série devient intéressante, c’est quant à la théorie qu’elle formule. Les voyages temporels ont de fascinant que bien qu’impossibles à l’heure actuelle, les œuvres de science fiction n’ont cessé de générer des hypothèses à ce sujet : Retour vers le Futur, avec la possibilité d’altérer sa propre existence en modifiant le temps, L’armée des 12 singes, avec le temps comme une boucle inaltérable, Doctor Who, avec la possibilité de modifier le temps excepté certains points fixes qui doivent rester inchangés, et bien d’autres encore. Dans 11.22.63, le temps est vu comme une entité vivante, douée de la conscience de sa propre existence, de son cours, et qui ne souhaitant pas être modifié, mettra tous les moyens en place pour entraver son voyageur et l’empêcher de modifier des événements. Si l’on savait déjà que modifier le passé n’était pas chose aisée et que le temps pouvait tenter de reprendre son cours normal par lui-même, sa personnification qui s’attaque directement au voyageur est relativement novatrice.


Tout cela sera cependant gâché par la suite par une certaine pauvresse scénaristique. Très rapidement, l’aspect science fiction est éclipsé par des banalités romantiques. Jack Epping revenu en 1960 pour modifier le temps, se retrouve finalement embringué dans des histoires sentimentales avec Sadie (Sarah Gadon) et ses problèmes avec son ex-mari Frank (Josh Duhamel). Sur huit épisodes, seuls les deux premiers et les deux derniers seront réellement consacrés à la quête originelle du protagoniste, les quatre épisodes intermédiaires n’étant qu’une succession de longueurs inintéressantes.


Aussi, les personnages sont très mal développés. Bill (George Mackay), acolyte de James Franco, acteur habituellement fort plaisant, est ici insupportable et risque de tout faire rater à chaque instant. Lee Harvey Oswald (Daniel Webber), présenté comme légèrement dérangé adule Karl Marx, entraînant de ce fait une diabolisation du communisme à l’américaine. Le personnage de Jake Epping finit lui-même par énerver au bout d’un moment. Au final, la série se termine en apothéose de mélasse, aucune prise de risque quant aux théories sur l’assassinat, le temps auparavant hostile ne semble désormais plus l’être et les 20 dernières minutes débordent de bons sentiments.


Le second problème de la série réside dans les messages qu’elle essaye de transmettre. De manière assez éparse et sporadique, les scénaristes critiquent la ségrégation des années 60 et s’osent même à une légère touche de féminisme en abordant la difficulté d’être une femme divorcée et de ne pouvoir se vêtir comme elles le souhaiteraient. Pourtant, avec une logique qui défie tout entendement, le casting devient majoritairement masculin et blanc. Seules trois femmes sont montrées à l’écran : Sadie, la copine de Jack, Marina (Lucy Fry), la femme d’Oswald et Ms. Mimi (Tonya Pinkins), la secrétaire et femme du directeur de l’école dans laquelle Jack travaille. L’évidence saute au nez : elles sont toutes « femmes de », constituant comme à l’habitude, l’objet du désir et de la convoitise masculine, et occupent également par alternance les rôles d’être à protéger ou d’entrave au dessein du héros. Quant aux personnages noirs, il n’y en a qu’une seule : Ms. Mimi, dernier bastion de représentation des minorités dans cette série. Seuls deux groupes de figurants noirs apparaissent subrepticement. Pour le reste, ils sont complètement invisibles. 11.22.63 donne donc de grandes leçons sur le féminisme, la ségrégation et la représentation, mais est absolument incapable de se les appliquer à elle-même, présentant donc un casting quasi-exclusivement masculin et blanc.


Au final, ce n’est pas si une mauvaise série qu’on a là. Elle est simplement très décevante, très moyenne. Avec J. J. Abrams aux commandes, on était en droit d’attendre quelque chose d’un niveau largement supérieur, autrement moins banal et beaucoup plus développé. Pour tout ce qui tourne autour du voyage dans le temps, privilégiez plutôt Doctor Who.

Clepot
4
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le 27 avr. 2016

Critique lue 2.7K fois

16 j'aime

Clément Capot

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