C'est toujours pareil lorsque j'entends parler d'une adaptation de Stephen King. D'abord, c'est l'euphorie. Puis, je deviens plus dubitatif. Après tout, dans l'énorme masse des adaptations extraites, de près ou de loin, des œuvres du grand bonhomme, il y a quand même une grande majorité de bousins. Et je ne parle même pas des adaptations en série : alors que Dôme est un des grands romans de King, Under the dome est une m.... une déception de chaque instant. Et je ne mentionne même pas l'adaptation prévue de La Tour Sombre, l'une des idées les plus ridicules que je connaisse en la matière.
Pour le projet 11.22.63, je suis passé par toutes ses étapes. Plusieurs fois.
D'abord très content. Même si j'ai trouvé le roman très moyen et nettement inférieur à ce que produit King habituellement, je pensais sérieusement qu'il y avait matière à faire une série formidable. Puis, je me souvenais de l'ennui ressenti à la lecture du roman, et des doutes m'habitaient. C'est alors que le nom de J. J. Abrams est venu me redonner confiance.
En bref, quand j'ai commencé la série, je ne savais pas trop à quoi m'attendre.
Le problème, c’est que, maintenant que j'ai fini la série, je ne sais toujours pas quoi en penser.
11.22.63 n'est clairement pas une catastrophe comme Under the dome. La série possède des qualités : c'est esthétiquement assez chouette, et l'interprétation est de qualité. A ce titre, mention spéciale au jeune Daniel Webber, absolument génial dans le rôle de Lee Harvey Oswald, sans doute ce qu'il y a de mieux au fil des épisodes, tout en violence à peine contenue et prête à exploser à chaque instant. Sarah Gadon est très mignonne. Quant à Franco, il est assez froid dans son interprétation...
... et c'est un peu à l'image de la série : froide. Certes, c'est très beau, mais c'est d'une beauté froide. Peu de sentiments là-dedans. Aucun suspense, malgré quelques tentatives louables. Et il faut attendre les ultimes minutes pour ressentir un peu de ces émotions nostalgico-dramatiques que les lecteurs du roman étaient en droit d'attendre. Du coup, le résultat ne se fait pas attendre : privé d'émotions, le spectateur s'ennuie (enfin, ce fut mon cas). Ici, la notion de ventre mou prend des proportions indigestes : quatre épisodes sur huit, ça fait beaucoup !
Alors, certes, le travail de reconstitution est soigné. Mais là où le roman nous plongeait littéralement dans ce début d'années 60, avec sa société ségrégationniste, sa Crise de Cuba (complètement omise dans la série, ainsi que toute la Guerre Froide d'ailleurs) mais aussi cette forme d'insouciance et de permissivité qui n'existe plus de nos jours, la série se contente de faire dans le décoratif. Pour Abrams, les années 60 se limitent à un bal de lycée façon Grease et des robes légères. C'est un peu court.
Paradoxalement, alors que le format série semblait bien se prêter à l'adaptation d'un roman de plus de mille pages, la narration très elliptique employée par le scénario cause de nombreux problèmes. D'abord, le roman se basait beaucoup sur le passage du temps : il s'écoule sur cinq ans, et on les sent passer, ces cinq années ! Ici, le temps est réduit (au lieu de débarquer en 1958, Jake Epping arrive en 1960) et on saute allégrement des mois et des années, sans que cela permette d'accélérer le rythme.
Le résultat se fait sentir sur l'action elle-même. Ainsi, une notion essentielle dans le roman, répétée sans cesse jusqu'à la nausée (la résistance du passé qui refuse d'être changé) est ici mentionné deux ou trois fois, puis on l'oublie jusqu'à ce qu'il débarque à nouveau, tel un cheveu sur la soupe, comme procédé narratif à la fin de la série. Il en va de même pour des personnages secondaires vus un instant puis disparus par la suite. En gros, c'est un peu le bazar, tout ça.
En bref, plutôt que de dire que c'est mauvais, je dirais plutôt que c'est maladroit. La série possède quelques qualités quand même, ce qui justifie une note moyenne.