« Immersif » mais surtout rempli de raccourcis, d’approximations et d’idées reçues…

Ce documentaire se divise en 6 épisodes de 47 mn chacun, découpant la guerre en grandes phases militaires. D’abord un mot sur la forme : on nous promet d’entrée une « immersion totale » et c’est vrai qu’à grands coups d’images colorisées, montées comme un clip, bruitages pétaradants et musique stridente, le spectacle est là, l’émotion aussi avec les interventions (souvent uniquement par la voix) d’anciens soldats américains, britanniques, japonais et allemands, qui nous racontent des épisodes qu’ils ont vécus, souvent déchirants. Forcément, mettre en avant le spectaculaire et l’émotion se fait au détriment de l’explication et de la réflexion (aucun historien ou historienne n’intervient pour permettre de prendre du recul…). Quant aux images colorisées, elles sont devenues la norme des documentaires historiques aujourd’hui mais ça part du principe qu’on ne peut être intéressant et moderne qu’en couleurs, ce qui est faux, bien sûr. Oui, des archives filmées en noir et blanc si elles sont utilisées de façon intelligente, peuvent être passionnantes ! La colorisation peut être utile, c’est vrai mais ça reste une reconstitution et elle n’est pas obligatoirement un gage de vérité et de qualité. Examinons maintenant le fond, ce qui est le plus gênant pour moi.

Ce documentaire qui pourtant avait le temps, est rempli de raccourcis, d’approximations et d’idées reçues, trop pour en faire la liste complète. Je vais juste en donner quelques exemples : concernant la campagne de France, à partir de mai 1940, elle est abordée en moins d’une minute, un ancien soldat allemand nous expliquant qu’ils avaient été étonnés de ne rencontrer aucune résistance sur leur chemin, un peu comme une promenade de santé ! Comme si l’armée française avait fui devant leur progression ! C’est faux et même une injure aux quelques 60 000 soldats français qui sont morts durant cette campagne et se sont battus vaillamment à différents endroits, soldats de métropole mais aussi des colonies (plusieurs milliers de tirailleurs sénégalais ont été alors exécutés par les troupes allemandes). Une campagne de France qui a fait 30 000 morts du côté allemand tout de même. Quant à Dunkerque, le documentaire nous précise bien que c’était des soldats britanniques qui ont embarqué vers la Grande-Bretagne (environ 100 000 soldats français ont été secourus par les navires et leur héroïsme a été salué par Churchill lui-même !). Il est bon de rappeler quelques faits. Ce genre de documentaires contribue à perpétuer de nombreuses idées reçues qui courent encore sur la 2nde guerre et qui montrent l'efficacité terrible des propagandes durant le conflit. Je vous conseille la lecture de l'excellent ouvrage collectif de Jean Lopez et Olivier Wieviorka, "Les Mythes de la 2nde Guerre Mondiale", qui remet des idées en place, parmi ces idées bien ancrées dans la mémoire celle comme quoi la défaite de 1940 était inéluctable pour la France... Bien sûr, il ne s’agit d’entrer dans tous les détails, même en plusieurs heures, on ne le peut pas mais on ne peut pas laisser passer autant de points faibles. Le meilleur documentaire, le plus complet, le plus juste sur la 2nde Guerre Mondiale reste « De Nuremberg à Nuremberg » (1989) de Frédéric Rossif, une référence incontournable de 4 h, autrement plus sérieuse que ce documentaire très décevant.