Au préalable, je préfère vous indiquer la manière dont j'ai regardé cette saison de La Fille des enfers. Ayant suivi la première (et peut-être également la deuxième) saison il y a déjà quelques années, mes souvenirs n'étaient plus très frais, mis à part pour le personnage principal et le déroulement d'un épisode "lambda". Aussi, il se peut qu'un certain nombre d'éléments m’échappent, et qu'en retour, la répétition des scènes ne me lasse que très modérément. De plus, il semblerait que les épisodes 7 à 12 soient des rediffusions d'épisodes précédents, reste à savoir s'il reprennent exactement les mêmes points de vue et chronologies qu'avant...
Le Courrier des Enfers est un site Internet auquel on ne peut accéder qu'à minuit. Celui ou celle qui souhaite se venger peut écrire le nom de sa cible. Une jeune fille au teint extrêmement pâle, aux cheveux d'un noir profond et aux yeux rouges sang apparaît alors, et offre une poupée avec une ficelle. Lorsque cette dernière est déliée, un pacte s'opère. Mais en échange d'envoyer un humain immédiatement aux Enfers, l'humain ayant accepté l'accord s'y rendra après sa mort, pour l'éternité.
Premièrement, je ne peux pas le nier, la synopsis principale est particulièrement mince et cette faiblesse s'étend avec la réutilisation de nombreuses scènes, donnant en surface, une impression de vide scénaristique. Plusieurs flash-back et éléments annexes (je pense aux clochettes ou à certains lieux, vestiges du passé) façonnent la pensée des personnages et expliquent en partie leurs actions et leurs convictions. En revanche, les sous-intrigues restent efficaces la plupart du temps (notamment au sixième épisode ainsi qu'au onzième qui, en prime, pose une interrogation finale assez déstabilisante, voire frustrante).
Certes, les fausses délations et actes de cruauté sont monnaie courante et étirés à outrance, seulement, ce point-là est justifié dans le sens où seuls les plus touchés par le désespoir font appel à une action aussi radicale. Et n'oublions pas que les personnes embourbés dans les abysses de la misère sont bien plus susceptibles d'être entrainés vers le fond que les plus favorisées, rendant l'enchaînement de malheur cohérent dans cet univers.
Un autre sujet se révèle intéressant, la mise sous cloche de la notion de moralité. Combien d'anciennes victimes se transforment en persécutrices, de condamnés injustement envoyés en enfer (voir l'épisode 12 notamment) ? Ai Enma n'est pas la justice, elle n'est que le bourreau d'un procès où la défense n'a pas de place. Mais toute exécutrice qu'elle est (et ce, depuis longtemps), l'émotion, quasi-invisible, perce, par le choix des mots ou l'apparition fugace d'un état d'âme. En cela, c'est un personnage charismatique et mystérieux, torturé par la haine, tiraillé entre son devoir et sa conscience, rongé par la fatalité et refoulant l'espoir au plus profond de son être.
Parmi ses acolytes, Wanyudou a droit à deux épisodes centrés sur lui et plutôt réussis ; Ichimoku Ren reste assez obscur, bien qu'intéressant ; Hone Onna ne dispose que de quelques miettes, bien qu'elles soient plutôt bien mises à profit ; Kikuri constitue la part enfantine/comique qui m'insupporte souvent dans les animes, mais passons, certains s'en amuserons sûrement ; Yamawaro demeure inexistant ou presque, même lorsqu'il prend une décision importante au cours de la saison, l'impact est insignifiant ; et enfin, le nouveau personnage, intéressant dans sa conception (amnésie, refus d'obéissance, questionnements multiples), à voir pour une suite...
J'ajoute une petite parenthèse, à partir de l'épisode 7, de petites scénettes s'insinuent au début de l'épisode pour introduire les "réminiscences". La première m'a été particulièrement brutale, j'ai cru à une erreur ou une mauvaise blague où les épisodes ne seraient plus sous forme de dessin... Mais non ! Finalement, après un petit temps d'adaptation, les sketchs s'avèrent amusants et rafraichissent le format. Une inclusion décalée et efficace, donc.
Maintenant, passons à l'un des points forts : la dimension poétique et symbolique. Elle s'installe dès l'opening et transpire à grosses gouttes tout au long de l'anime. Les fleurs, le crépuscule, les âmes égarés en guise de lanterne ainsi que ce que je nommerais la beauté sinistre avec la condamnation des pêcheurs (n'oublions pas la dimension religieuse !). Tout n'est qu'art dans le monde d'ailleurs, là où le monde humain s'enferme dans la laideur. Et que dire de l'ending, ce cristal aux faces multiples, comme une représentation des distorsions de l'esprit d'Enma (à moins que ce ne soit les observations de l'araignée sur ses actions), avec sa réplique miniature sans personnage, qui finissent par la briser.
Quant à la musique, celle de l'opening, bien que dynamique, peine à résister à celle de l'ending (dans la lignée des boîtes à musique horifiques) et bien d'autres émaillant l'anime (celle du jugement dernier, ou bien à la huitième minute du premier épisode par exemple). La mélodie soutient efficacement le déroulé des évènements, happant de temps en temps le spectateur hors du temps. Lorsqu'on y incorpore l'absence de gore (ou quasiment), l'entreprise, à savoir suggérer sans montrer, est d'autant plus réussie.
Alors oui, les épisodes se suivent et se ressemblent, présentation des victimes, mise en avant des actes cruels, premier contact avec le Courrier des Enfers, hésitation à envoyer aux Enfers, paroxysme de la souffrance et utilisation (ou non) de la poupée. C'est évident que la fin est attendue, mais, à titre personnel, ce qui m'intéresse est avant tout le parcours, le "test de résistance" de chaque personnage et ce moment charnière qui brouille son jugement (parce qu'au final, il finira au même endroit que celui ou celle qu'il y a envoyé, je n'ose pas imaginer les retrouvailles dans un tel lieu...).
En conclusion, si vous recherchez un scénario complexe, avec des retournements de situation percutants, passez votre chemin. Cependant, si vous souhaitez entrer dans un monde à la beauté chatoyante et à l'horreur viscérale, questionnant la notion de justice, de vengeance et d'autres multiples thèmes de la misère humaine (viol, harcèlement, meurtre, manipulation, dépression...), cet anime s'offre à vous.