La Femme qui s'efface derrière la Reine

Je ne gouverne pas l'Angleterre, mais je suis la garante de la gouvernance de l'Angleterre : Elisabeth II

Au moment où j'écris ma critique, la Reine a fêté ses 92 ans et vient de fêter ses 70 ans de mariage, sans compter ses 65 ans de règne. Je n'ai pas vu beaucoup de productions avec comme personnage principale la Reine d'Angleterre, mise à part le plutôt bon film The Queen avec Helen Mirren dans le rôle titre. Du coup, j'ai abordé la série The Crown avec un regard plein de curiosité. Mon avis est que j'ai bien failli trouvé toute la saison 1 décevante sur pas mal de points, mais qui s'est rattrapée par la suite pour devenir une série plutôt intéressante.

Saison 1 : God Save The Queen

Une réalisation qui retranscrit bien l'ambiance de la fin de la guerre

La série se passe après la guerre 39-45. Elle est composée pour cette première saison de 10 épisodes entre 50 min et 1 h. Bien que les épisodes soient long, ils sont suffisamment bien réalisés et immersifs. Ils retranscrivent bien l'esprit de l’Angleterre d'après-guerre et permettent de donner à chaque pays une ambiance vraiment particulière. Il y a les premiers épisodes qui ont plutôt une teinte grisâtre avant d'être plus naturelle pour les suivantes, ce qui n'est pas mal. Les réalisateurs font aussi des épisodes plutôt audacieux en terme de mise en scène, notamment dans les derniers (oui, je trouve que les premiers épisodes avaient un léger flottement et étaient plus conventionnels à ce niveau là. Quant aux personnages, c'est un cas particulier.

Rise of the queen

Parlons déjà du personnage principal : Elisabeth Windsor interprétée par Claire Foy. Niveau filmographie...on va oublier (parce que à part le futur Breathe...il y a Vampire Académy dans le lot et le Dernier des Templiers). Au départ, je la trouvais anecdotique tant elle était fade face à d'autres meilleurs personnages qu'elle. Mais en voyant tous les épisodes d'une traite, j'ai compris : elle est sensée être effacée dans les premiers épisodes. Mais au fur et à mesure, elle s'affirme et gagne en charisme et en visibilité, comme pour signifier qu'elle apprend son rôle de Reine d'Angleterre et d'avoir un rôle bien plus actif sur une scène internationale dont elle n'est que très peu préparée (ou préparée de manière traditionnelle, on y vient). Ce qui fait un personnage bien plus intéressant au premier abord.

Philip Mountbatten (Matt Smith le 11e Docteur) est très intéressant du début à la fin. Il est très mis en avant dans les premiers épisodes avant de s'effacer progressivement et d'être un peu plus hostile à la nouvelle condition de sa femme. Pour ceux qui se demande pourquoi il est si mal vu dans les premiers épisodes, c'est hélas normale car Philipp Moutbaten est le signataire du traité qui avait assuré la naissance de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh. Du coup, c'est normal que l'aristocratie le voit d'un mauvais œil. Cela dit, une fois devenu Prince, on voit qu'il perd de plus en plus son rôle d' "homme de la famille" alors que Elisabeth s'affirme dans son rôle de Reine.

La Princesse Margareth (Vanessa Kirby qui est apparue dans le film Everest) est selon le roi George VI, sa joie alors que Elisabeth est sa fierté. Il s'agit d'une princesse très anticonformiste qui est plus préoccupée par son rang , son apparence et son désir de mariage avec un Peter Townsed. On sent qu'elle nourrit une rivalité invisible avec la Reine et perçoit toute contradiction par une menace de sa part.

Le roi George VI (l'impeccable Jared Harris) n'est pas le roi George bègue qu'on a vu dans le Discourt d'Un Roi ou Churchill , mais un roi qui sent que sa mort signifiera une nouvelle ère. Les flash-back le montre très protecteur envers et malgré son rôle bien plus d'influence, il semble respecté de sa population et de ses paires (même si ses rapports avec Churchill sont moins cordiaux que dans le film du même nom). Le peu d'épisode auquel il apparaît le montre vraiment charismatique au point qu'il est presque le meilleur personnage de la saison 1.

Autre personnage qui est la vraie vedette de la série, John Lightgow en Churchill. Mon problème avec le film du même nom est que Brian Cox campait un Churchill parfait dans un film moyen. Ici on a un Churchill parfait dans très bonne une série. Il s'agit vraiment d'un ministre qui se sait sur le déclin, mais qui profite de son aura de légende. Il fait figure de grand-père grincheux pour la reine, un premier ministre que tout le monde veut s'en débarrasser tant il parait d'une autre vie. Mais il s'accroche avec opiniâtreté contre Elisabeth et aussi ses ennemis, voire ses alliés les plus proches (y compris sa femme). Cependant, cela a permis à faire en sorte que le personnage de la Reine s'affirme bien plus face à lui et à ce qu'il représente malgré lui : la fin d'une époque.

Henry de Gloucester (Andy Sanderson) est le frère de George VI un peu mise en retrait après qu'il s'est vu refuser la royauté. C'est un homme assez cynique envers la couronne mais sans réel influence

Je ne vais pas détailler tous les personnages mais je vais faire un dernier : Anthony Eden (Jeremy Northam vu dans la série des Tudors). faisant parti du ministère de Churchill, il était son allié principal, jusqu'au moment où il prend sa succession. C'est un ministre secrètement maladif, et le peu de développement qu'on a eu avec lui laisse suggéré qu'il sera peut-être plus intéressant dans la saison 2.

Une nouvelle ère

La première saison relate les événements de la fin du règne de Georges VI et le début de la royauté d'Elisabeth II, qui est devenue la plus jeune reine de l'histoire du Royaume - Uni. La série montre ainsi les difficultés du règne d'Elisabeth mais aussi la nécessité d'adapter la monarchie avec la modernité. Mais aussi elle doit combattre les entraves que la royauté inculque et comment elle a peu à peu trouvé la nécessité d'être proche des affaires internationales. Cependant, elle mesure le prix que cela coûte, notamment son mariage qui n'est plus aussi cordiale qu'avant et ses relations envers sa sœur. Mais elle a fait le choix d'effacer Elisabeth Windsor-Mountbatten et d'incarner la Reine Elisabeth II. La série montre cette progression et le prix qu'elle a accepté de payer. Personnellement, je trouve que l'avant dernier épisode aurait pu suffir

Car il marque la fin définitive du Royaume -Uni d'avant guerre et l'entrée dans le Royaume - Uni moderne; cependant, le dernier épisode appuie bien plus sur le faite qu'elle endosse définitivement son rôle de monarque et qu'elle a un rôle bien plus active et d'influence, symbolisé par sa proximité avec son nouveau Premier Ministre, qui en réfère plus directement à elle. Du coup, la série montre les profonds changements que la royauté subit en même temps que le Monde et la société britannique changent. Une évolution progressive, malgré les séquences plus calmes où on voit la Elisabeth et ses proches dans des instants plus personnels.

Une saison 1 intéressante passé le couronnement

Malgré un flottement dans les premiers épisodes (malgré Jared Harris très bon en roi), la série devient plus divertissante passé l'épisode du couronnement (appelé Poudre aux Yeux). Hâte de voir ce que la saison 2 apportera qui sera la dernière saison avec Clair Foy en Reine. Cependant, la voir remplacer par Olivia Colman dans la saison 3, où elle incarne la Reine à 50 ans est un excellent choix.

Addendum : Je me suis trompé au sujet du passé de Philipp Mountbatten alias le Prince Philipp. Ce n'est pas lui qui avait signé le traité d'Indépendance de l'Inde et du Pakistan mais son oncle Louis Mountbatten qui était Vice Roi des Indes

Saison 2 : Reine Vs The World, l'aube du choix

Une série en 2 temps développée différemment

Il s'agit d'une 2e saison bien meilleur que la précédente et plus intéressante qui nous plonge dans le monde de la Reine qui s'annonce bien plus complexe. Si la réalisation est globalement similaire à la première saison, on constate deux arcs narratifs. Le premier qui s'étant de l'épisode 1 à l'épisode 3 nous raconte le tour du monde du Duc Philippe et les autres épisodes les événements qui se déroulent par la suite (comme la crise du Canal de Suez, la polémique de Lord Artricham, le mariage de Margareth, l'agrandissement de la Famille Royale et divers scandales). Ces 2 parties sont très différents car si la première partie possède des épisodes qui se suivent alors que les autres sont des épisodes standalones, plus indépendantes. C'est assez inattendu car cela fait qu'on peut suivre les épisodes à partir du troisième de manière indépendante. C'est visible étant donné que les événements de l'épisodes finales sont situées chronologiquement avant l'épisode Matrimonium qui raconte le mariage de Margareth. Du coup on a une saison qui possède des épisodes qui traitent mieux leurs sujets et sont plutôt bien construits. Les personnages ont aussi pas mal évolués entre les 2 saisons.

La Reine prend les rênes, et Philipp prend du galon

Elisabeth 2 (Claire Foy) prend dans cette saison bien plus d'initiative depuis la fin de la saison 1. Elle a dans cette saison de cesse de trouver le juste milieu entre la couronne et son rôle d'épouse. Surtout que le monde évolue bien plus vite qu'elle n'avait anticipée, elle qui représentait la modernité à la fin de la saison 1. Du coup, tout est ici remis en question et doit aussi géré son mari qui lui est de plus en plus hostile. Elle fait maintenant preuve de bonne figure d'autorité et d'équilibre qui doit faire toujours des concessions.

Philipp Mountbaten (Matt Smith) est bien plus creusé dans cette saison. En effet, on exploite bien son style maritime et le personnage oscille entre le comique cynique et l'autorité paternelle. Son passé est aussi très bien exploité et aussi ses tourments. On comprend maintenant le dédain que ressentait la court à son égard (il avait des sœurs qui avaient épousé des soldats allemands). Il a soif de reconnaissance et milite à ce qu'il puisse mieux exister aux yeux de la Reine. Il influence même la décision de faire éduquer à Gordonstoun, une école très difficile qui lui a permis de lui forger son caractère mais qui malheureusement n'a pas eu le même impact sur Charles. Les tensions dans le couple royal se font parfois ressentir tant leurs visions ont fini peu à peu à diverger mais ils ont pu rester fort.

Margareth (Vanessa Kirby) est toujours aussi bon en électron libre. C'est assez incroyable qu'elle a aussi droit à 2 épisodes entiers qui lui sont vraiment consacrés : Béryl et Matrimonium. Le premier parle de sa rencontre avec un photographe qu'elle croit gay Tony Armstrong-Jones et sa photo osée, et le second son mariage pendant l'accouchement de la Reine. Elle n'est plus aussi hostile à la Reine depuis son refus d'approuver son premier mariage mais elle est toujours la frivole qu'on adore.

A propos de premiers ministres, on en voit 2 différents se succéder. Le premier étant Antony Eden (Jeremy Northam) dont la fin de la Saison 1 a laissé suggérer qu'il était maladif et à mal géré le conflit en Egypte. Le ministre suivant Harold McMillan (Anton Lesser)n'était pas mieux éprouvant aussi plus de difficulté à tenir le pays ainsi que ses défis. C'est assez paradoxale que dans le dernier épisode, la Reine les traitent de couards dans la mesure où ils la laissent seuls. Mais cela vient du fait que les Premiers Ministres étaient plus concentrés sur la fonction que sur leur désir de mener le pays, contrairement à Winston Churchill (spoiler, la critique Des Heures Sombres arrive). Churchill et George VI qui font aussi un bon caméo via un flash-back sur un personnage que j'aime bien

Édouard VIII (Alex Jennings) était jusqu'au bout le J.R Ewing de la série. Le roi déchu qui cherchait toujours de quoi polémiquer et critiquer. Dans cette saison, il tente tout de même de revenir sur le devant de la scène au grand dam de l'entourage de la Reine, mais son passé l'a vite rattraper au point que je suppose sera la dernière fois qu'on le verra dans la série, vu la grosse révélation.

Les autres personnages sont plutôt sympathiques, que ce soit le caméo de Louis Mountbatten, le rôle de Michael (Will Keen) son secrétaire particulier et Mike Parker, Lord Attricham qui montre pour la première fois un aspect qu'on a pas vu du peuple : ceux qui ont un regard critique sur la couronne et évidemment le couple Kennedy (joué par Dexter en personne Michael C.Hall et Jodi Balfour). Il y a aussi la Reine Mère (Victoriat Hamilton) qui joue plus un rôle de conseil

Le rôle de la Reine en question

La saison de part son histoire nous raconte principalement le rôle de la Reine et la remise en question de la direction qu'elle a choisi, que ce soit intime ou politique. Un rôle difficile où elle tente d'imposer son autorité comme n'étant plus la garante de la gouvernance mais comme le visage du Royaume-Unis. Un rôle et une direction qui trouvent bien vite ses limites par le faite qu'elle est une femme. Là je ne parle pas de la différence Femme / Homme mais bien du faite qu'elle est avant tout humaine et non une monarque qui prévaut. Elle doit aussi faire face à ses doutes, ses faiblesses voire même la jalousie (motivée par la popularité évidente de Jackie Kennedy en face d'elle et le malentendu qui en a découlé, les soupçons d'adultère qu'elle a envers son mari et le faite qu'elle se veut moderne et aimer du peuple, mais qu'elle se heurte à l'incompréhension de la population et aussi à la défection des anciennes colonies, que ce soit pendant la Crise de Suez à cause Nasser et le problème du Ghana. Surtout, elle doit supporter 2 gouvernements pas franchement à la hauteur de ses espérances. Mais au niveau familiale, les choses ne sont guère mieux. Cependant, On voit aussi une Reine qui se montre digne et qui traverse les épreuves avec ses succès et ses échecs. Nous avons donc une saison déterminante à tous les points de vue et qui apporte un éclairage plus intéressant que la saison précédente.

Dernière saison avec le couple Smith/Foy

Cette saison est vraiment très bien menée et clos le cycle des premières années de règnes de la Reine Elisabeth. C'est aussi la dernière saison avec Claire Foy et Matt Smith. La saison 3 verra la Reine à 50 ans qui sera incarnée par Olivia Coleman, alors que Margareth sera jouée par Helana Bonham Carter. Hâte de voir ce que cela va donner